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1 octobre 2023 7 01 /10 /octobre /2023 13:04

Des informations et faits nouvaux justifient la republication de notre texte en date du 1/10/2023).. Entre la dette et le climat il faudra effectivement choisir et être sérieux. On pourrait ajouter qu'il faudra aussi choisir sériusement entre la dette et l'UE...

En 2022 l'Institut de l'Economie pour le climat (14 CE) nous précise que les investissements climat ont franchi le cap des 100 milliards d'euros et que 2023 serait encore une année de hausse...toutefois fortement entravée par la hausse du cout du crédit et le renchérissement du cout des projets. Le même institut précise qu'il faudrait dans ce contexte, pourtant plus difficile, investir beaucoup plus au cours des prochaines années: au moins 58 milliards d'euros suppélemntaires. Or ces investissements sont appuyés sur une partie publique de moyens financiers à hauteur d'un tiers. Le déficit budgétaire pour l'année 2023 dépasse les prévisions de 2 milliards d'euros et les réductions de dépenses pour 2025 (12 milliards de prévus) devront être renforcées. La conclusion est que le fiancement de la transition est rigouresement impossible...sauf à changer complètement de modèle.

Le modèle de la dette interdit la protection du climat mais il interdit aussi tout passage à une économie de guerre pour soutenir l'Ukraine. L'Allemagne s'oppose au renouvellement de la "facilité européenne de paix" qui permettait un financement européen d'une partie des dépenses militaires ( achat de matériel neuf pour compenser les stocks partis vers l'Ukraine). La même Allemagne s'oppose à tout mécanisme de soutien collectif au profit de ce même pays. C'est dire qu'il n'y aura pas de commandes européennes groupées pourtant nécessaires pour justifier le financement des investissements dans l'industrie de l'armement. Les banques refusent tout crédit nouveau aux entreprises productrices de matériel militaire sans appui public, ce qui empêche le passage concret à une économie de guerre. Parce que l'Allemagne bloque, nous allons tenter d'utiliser les fonds de livret A, sans percevoir les effets d'éviction évidents sur le marché de l'immobilier....

Entre la dette, l'Europe et l'aide à l'Ukraine il faudra choisir. Hélas la configuration des marchés politiques ne permettra pas de choix rationnel et l'industrie financière restera encore, au moins à court terme, la gagante des décisions prises: nous continueront à parler de la dette.

Notre texte publié le 1/10/2023 rest d'actualité. Bonne lecture. 

Les débats budgétaires révèlent les énormes difficultés du pays : coûteux réarmement, coûteuses mises à niveau des infrastructures sanitaires, coûteuses mises à niveau des infrastructures énergétiques, etc.. et déjà la perspective d’un appel  à l’endettement public de plus de 285 milliards d’euros pour la prochaine année budgétaire. Une somme qu’il faut comparer avec des recettes attendues de l’ordre de 375 milliards d’euros. Observons que dans un tel contexte les dépenses au titre de l’environnement et du climat seraient de l’ordre de 7 milliards tandis que les besoins au titre d’un respect des contraintes de l’environnement se montent selon le rapport Pisani Ferry à 66 milliards…

Cet écart entre besoins et moyens ne concerne pas que la France. Sa levée repose sur un dogme, celui de disponibilités financières qui ne se conçoivent que dans le cadre de l’émission d’un actif devenant créance de celui qui en est propriétaire. Clairement, on accroit un stock de nouveaux ou anciens endettés et de nouveaux ou anciens créanciers.

La dette, outil inapproprié pour protéger un bien commun.

Cette pratique, reliant par contrat endettés et créanciers, est légitime dans le cadre de relations entre personnes privées. On ne peut en effet imaginer – en dehors de relations strictement personnelles et extra-économiques - qu’un acteur puisse financer un autre sans une reconnaissance de dette. De ce point de vue, même une action est une dette de l’entreprise vis-à-vis de son propriétaire. Simplement, elle peut être de nulle valeur en cas de mauvaises affaires et dans cette circonstance, selon le langage des professionnels, on dira que les « capitaux propres sont mangés ». 

Mais cette pratique n’est pas légitime pour la gestion de ce qu’on appelle les biens communs à reconstruire. En effet, si la température de la planète est un bien collectif à préserver, on voit mal des dépenses de simple préservation être assurées par des créanciers qui, au-delà du remboursement du titre acquis, exigent également une rémunération du capital investi. Clairement, les investissements au titre de l’environnement ne sont pas du capital créant de la valeur. Ils sont simplement du capital qui n’en détruit pas. Ils ne peuvent donc pas être financés par de la dette classique, celle qui relie investisseurs et créanciers dans le cadre de contrats classiques entre personnes privées –entreprises émettant des titres- ou entre personnes publiques et personnes privées (Etat émettant des titres publics). De ce point de vue, les 7 milliards de dépenses prévues au titre de l’environnement ne peuvent être légitimement dépensés à partir de la nouvelle dette anticipée au titre de l’année 2024

Comment mobiliser du capital sans dette ?

Il faut donc imaginer des émissions de capital sans dette, c’est-à-dire l’équivalent d’un don. La pratique de l’évergétisme relevant d’une autre époque, il faut donc imaginer non pas des dons de capital par des personnes privées mais des dons  de la part de la collectivité. Clairement, mobiliser des moyens concrets au profit de l’environnement suppose aussi une mobilisation concrète de moyens financiers qui ne soient pas de la dette. Même une obligation perpétuelle reste une dette à honorer et le temps n’est plus où cette dernière pouvait - comme naguère aux Pays-Bas - financer la protection des sols par des digues anti-inondations. Face à la question posée : la réponse qui vient à l’esprit est donc simple : la voie de l’impôt serait l’unique solution. Cette voie est pour autant largement impensable en raison de la concurrence fiscale entre Etats soumis aux contraintes de la mondialisation….même finissante.  De ce point de vue, les sociétés occidentales simplement peuplées d’individus déliés sont plus mal loties que la Grèce antique ou Rome qui -elles aussi démunies sur le plan fiscal-  bénéficiaient d’un évergétisme impensable chez nous aujourd’hui. Par exemple la générosité de Total Energie, avec son prix maximal de 1,99 euros pour le sans plomb, n’a rien à voir avec le Ptolémée III du troisième siècle av. JC. Elle se trouve même en être le contraire.

Une création monétaire non inflationniste et protégeant un bien commun

 Au-delà d’une fiscalité impraticable, la meilleure solution aujourd’hui est tout simplement la création monétaire, non pas celle des banques qui n’est qu’une dette mais celle de la banque centrale mobilisée par son Etat.

Concrètement, la Banque de France est invitée à créditer le compte du Trésor par une inscription à son passif. Afin d’éviter une centralisation dangereuse, on peut même imaginer un compte spécial de la banque de France au profit de chaque banque, compte figurant à l’actif de ces dernières et compte fléché au profit du seul environnement. Seuls les dossiers solides en matière d’environnement seraient susceptibles de financement sans dette, soit par l’Etat (compte du Trésor à la banque centrale), soit par les banques (leur compte spécial à la banque centrale). Il s’agirait par conséquent d’une subvention spéciale « climat » ou « environnement ». Bien évidemment, au terme du processus la richesse réelle n’augmente guère et se trouve en théorie simplement préservée : le bien commun climat ou environnement est protégé.  Toutefois en termes de PIB, tel qu’il est calculé aujourd’hui (somme de valeurs ajoutées), il y aurait croissance comptable : protéger le climat ou l’environnement est, bêtement, une valeur ajoutée au sens simplement comptable. Cela signifie qu’au final  l’émission monétaire sans dette ne déboucherait sur aucune inflation spécifique.

Reste le grand problème de l’acceptation d’un tel dispositif par les autorités européennes. Posons simplement la question du choix entre survie de l’humanité et dette.

 

 

 

 

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24 septembre 2023 7 24 /09 /septembre /2023 06:13

 

Face à une aversion au dollar, imaginons que les échanges internationaux s’opèrent - comme le souhaite la Chine et d’autres pays - en monnaies nationales. On peut imaginer une structure de clearing (chambre de compensation) permettant de faire apparaître à intervalles réguliers les soldes pour chaque pays. Comment régler les soldes ? Si la monnaie de réserve a disparu, il reste, comme c’était le cas à l’époque de l’Union Européenne des Paiements, le règlement en or. Le pays déficitaire déplace de l’or sur le compte du pays excédentaire, à moins que ce dernier n’accepte d’autres actifs comme des obligations publiques

. Mais, bien avant, un autre problème surgit : comment sont calculés les soldes ? A partir de quel taux de change ? Si les différentes monnaies ne sont pas rattachées à un quelconque étalon de valeur, le calcul est tout simplement impossible.

Une solution très simple…

Certes, on peut revenir à la situation passée et se référer à un contenu métallique pour chaque monnaie. Et d’une certaine façon, l’UEP était un bon modèle, simplement à cette époque nous étions dans une situation inverse de celle d’aujourd’hui, situation où il y avait pénurie de dollars et non aversion.

Clairement, à l’époque, on souhaitait une inclusion monétaire pour se libérer, alors qu’aujourd’hui on cherche à se libérer par un rejet d’inclusion dans le dollar. Pourtant cette nouvelle version de l’UEP assurerait - en principe - une meilleure stabilité au niveau des taux de change. Les banques centrales tentant de maintenir les cours pour éviter de grands déséquilibres des soldes.

….Mais fort peu réaliste

Mais il faut aller plus loin et envisager les mouvements de capitaux. Sans contrôle des changes, le fait de payer en monnaie nationale permet à chaque partenaire d’acheter des actifs financiers ou réels sans aucune limite, lesdits achats s’opérant par le jeu de la simple création monétaire. Ainsi la Chine pourrait acheter sans limite des obligations, des immeubles ou des usines en France. Et la France, pourtant d’un périmètre plus réduit, pourrait en faire autant sur les actifs chinois. Sans contrôle des mouvements de capitaux, il y aurait un développement, hors contrôle, des échanges internationaux, le tout se manifestant par une inflation monétaire incontrôlée. Un solde proche de zéro entre la France et la Chine pourrait aussi correspondre à une inflation gigantesque. On comprendra par conséquent que la disparition d’un étalon monétaire doit s’accompagner d’un contrôle des émissions monétaires nationales. La conclusion de ce raisonnement est donc que l’acceptation sans limite des paiements en monnaies nationales est irréaliste et sans doute géopolitiquement très conflictuelle. C’est dire aussi que la Chine, contrairement aux rumeurs, ne peut sérieusement pas imaginer sans limite le paiement de ses importations en yuans contre le paiement de ses exportations en monnaies nationales des importateurs. Sans compter qu’un tel scénario aurait aussi des conséquences considérables sur le cours du dollar - la monnaie qu’il faudrait marginaliser- sa demande s’effondrant à l’échelle planétaire puisque tous les échanges pourraient s’opérer sans lui - contre une offre devenue réduite.

…Et des conséquences redoutables…

Mais ce scénario produirait de lourdes conséquences sur l’or. En admettant que les soldes se paient en or, ils se feraient sur la base de monnaies minées par l’inflation, ce qui veut dire que le prix relatif de l’or, donc son cours, serait fortement croissant. Ce qui veut dire aussi que la définition des monnaies par un poids d’or deviendrait vite impensable. De ce point de vue nous serions dans la situation du 19ième, celle de l’étalon-or…, sans que les monnaies nationales soient convertibles en or. Si le 19ième siècle était aussi celui de la stabilité monétaire c’est précisément que la convertibilité en métal était un étau et toute création monétaire excessive entrainait la sortie de route avec fuite de métal, réduction de l’offre monétaire et rétablissement de la stabilité. Dans le cas supposé proposé par la Chine, nous serions en sortie de route permanente. On reproche beaucoup au système dollar d’avoir autorisé le « déficit sans pleurs », le système chinois tel qu’il est plus ou moins proposé permettrait la démocratisation de ce type de déficit. Toutes les monnaies pourraient devenir l’équivalent du dollar.

En conclusion, le scénario que l’on vient de présenter, scénario tenté avec très grande prudence dans la réalité d’aujourd’hui, n’a aucune chance de se concrétiser à large échelle. Les différentes monnaies nationales ont besoin d’un étalon réel pour exister et se comparer. Le dollar est encore bien présent.

…Et que faire de la finance ?

Mais il y a beaucoup plus important encore, et l’idée que la demande de dollars (en dehors de celle correspondant à l’achat de dette publique  américaine) pourrait s’effondrer est probablement erronée. C’est que le dollar qui pourrait être évincé des échanges internationaux, resterait naturellement dominant sur les marchés financiers, lesquels disposent d’un poids plusieurs dizaines de fois supérieur au poids des échanges réels. On peut prendre pour exemple le marché des changes lequel brasse au quotidien près de 6000 milliards de dollars, pour un PIB réel mondial de 273 milliards, soit donc un volume financier 22 fois supérieur à la réalité matérielle. Rapporté au volume physique des échanges de marchandises à l’échelle mondiale, le marché des changes brasse 70 fois la réalité. On pourrait certes objecter que les échanges en monnaie nationale proposés par la Chine dégonflerait le marché des changes. Pure illusion car la nouvelle configuration suppose au final que les divers pays et leurs acteurs se protègent contre les risques de change. Or ces risques -s’ils disparaissent théoriquement du point de vue des exportateurs-  sont considérables du point de vue des importateurs. Il faut assurer le coût des couvertures de change alors même que l’on a exclu le référent traditionnel qu’est le dollar. Et les exportateurs auraient tort de croire qu’ils sont à l’abri d’une variation de change puisque leur chiffre d’affaires dépendrait d’une demande internationale affectée par les taux de change.

Dans le marché des changes traditionnel, chaque acteur se couvre sur sa monnaie par rapport au seul dollar. Dans le nouveau marché des changes, il faut se couvrir sur toutes les monnaies, ce qui complexifie le travail des importateurs sans que pour autant les volumes traités ne baissent et ce, dans un contexte plus étroit en termes de liquidité. C’est qu’en effet le marché de chacune des devises est autrement plus étroit que le marché du dollar. Cela signifie par conséquent des risques plus élevés et donc des couvertures plus coûteuses. De la même façon, les exportateurs devraient imaginer des couvertures nouvelles jusqu’ici peu explorées en raison des commodités offertes par le dollar.

Que conclure ?

La monnaie est effectivement et contrairement aux apparences beaucoup plus qu’une marchandise. Elle est d’abord une institution validant un processus de soumission/inclusion. La soumission mondiale au dollar est une dépendance qui contradictoirement permet l’inclusion avec ses espaces de liberté dans un monde qui reste contraignant. Il n’est pas facile de rompre et de créer une nouvelle institution monétaire. La fin d’une dépendance ne crée pas automatiquement une nouvelle inclusion garantissant de nouveaux espaces de liberté. L’institution monétaire présente est certes bien évidemment mortelle mais son agonie sera beaucoup plus lente que souhaitée par certains.

 

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16 septembre 2023 6 16 /09 /septembre /2023 14:26

 

On sait que la Chine est le pays le plus avancé dans le projet de construction d’une monnaie digitale de banque centrale. Beaucoup d’autres pays suivent, mais sans doute avec beaucoup de réserve. Nous tentons ci-dessous d’expliquer que ce qui n’est encore qu’un chantier ne relève pas d’une simple question de technologie monétaire.

Les merveilles de la nouvelle monnaie

D’une certaine façon, le projet relève de la simple rationalité : les technologies du numérique autorisent une circulation de la valeur bien plus performante et le porte- monnaie électronique que l’on va construire, facilite les opérations des usagers, évite les difficultés des banques face à la gestion de la multiplicité des outils monétaires et surtout, évite les crises type bank-run. Il n’existe plus de problème de liquidité et la question de la réserve de la valeur ne se pose plus…si toutefois les porte-monnaie sont garantis par les banques centrales contre le risque d’inflation…

Mais une vraie question se pose, peut-être en Chine, mais beaucoup plus fondamentalement dans les pays démocratiques. Quel sera le périmètre d’activité de cette monnaie numérique de banque centrale ?

Dans les pays occidentaux, il est impensable que la nouvelle monnaie - relevant pourtant d’une efficience plus grande - devienne concurrente des dépôts bancaires classiques. Si, en effet, les divers acteurs choisissent le porte-monnaie électronique de banque centrale, le passif des banques s’évapore :  la loi de Gresham fonctionne à l’envers et la bonne monnaie chasse la mauvaise. Dans un tel scénario, une demande de crédit de la part d’un client suppose que la banque concernée dispose d’un compte suffisant à la banque centrale. Il n’est plus question de brandir la création monétaire classique et les banques centrales deviennent seules émettrices de monnaie. Les banques qui ont toujours vu les billets comme un fléau - une conversion coûteuse des comptes venant aussi limiter le périmètre de la création monétaire gratuite - voient dans les porte-monnaie électroniques un ennemi autrement redoutable. C’est que les clients qui savent que la partie compte courant de leurs avoirs n’est qu’une créance et non un avoir sécurisé, n’hésiteront pas à choisir la nouvelle monnaie banque centrale a priori aussi sécurisé que les billets.  En allant plus loin, il parait évident que si les monnaies numériques de banques centrales ne sont pas tenues en laisse par le politique, il y a disparition d’un système bancaire devenu l’équivalent des diligences lors du développement de l’automobile. C’est ce débat concernant les modalités de la laisse qui retarde le projet de monnaie numérique de la BCE.

Les temps anciens : ce que nous dit le « big bang » monétaire et ses enchaînements

Et de ce point de vue une monnaie numérique devenue monopole correspondrait à la monnaie imaginée par les premiers Etats voici plusieurs milliers d’années. Sans revenir à l’histoire de la monnaie, il faut savoir que c’est le métal précieux qui fut choisi par les dirigeants politiques de l’époque, des dirigeants qui vont imposer le paiement de l’impôt en or, qui vont monopoliser la création monétaire, en fixer le nom et l’unité de compte. Historiquement, la monnaie est un fait du pouvoir politique très vertical. A l’époque, la nature guerrière des Etats impose de veiller à la liquidité, les dettes de guerre donnant lieu à des paiements en métal. On sait aussi que beaucoup plus tard nous arriverons à une technologie monétaire autorisant, comme aujourd’hui, la création monétaire gratuite par le secteur privé c’est-à-dire les banques. En effet, - des acteurs vont devenir dépositaires de métal contre des certificats d’or, eux-mêmes ancêtres de la monnaie de papier que l’on veut faire disparaître aujourd’hui. Ces mêmes acteurs en se livrant à des opérations de crédit papier vont devenir eux-mêmes créanciers du prince et vont faire naître ce qu’on appelle encore aujourd’hui la dette publique. A partir de ce moment, le fait monétaire cesse d’être le fait d’un pouvoir vertical pour devenir horizontal. Et une horizontalité qui va consacrer la victoire de la finance sur le politique en allant progressivement et concrètement jusqu’à ce qu’on appellera beaucoup plus tard l’indépendance des banques centrales.

La nouvelle technologie va-t-elle changer le monde ?

Si l’on en revient à la monnaie digitale des banques centrales, on voit tout de suite qu’il s’agit d’une technologie de rupture et d’un possible retour à la complète verticalité. De ce point de vue, la Chine est beaucoup plus adaptée à ce nouvel ordre. Si malgré une stratégie de ruse ou de nécessité, elle s’est développée selon un ordre monétaire proche de celui de l’occident, avec banques classiques, banques universelles, régulation de type occidentale, banque centrale, etc., elle est parfaitement  capable de tout faire disparaître au profit de sa seule banque centrale en totale fusion avec l’Etat lui-même. De quoi faire naître un monde sous contrôle total et en revenir aux formes monétaires des premiers Etats en formation. Avec une différence, alors que dans les premières tyrannies la monnaie restait discrète pour les échangistes au regard du pouvoir, la monnaie numérique ne l’est pas et toutes les transactions se font sous le regard d’une banque centrale devenu bras de l’Etat

L’Occident, en raison de son histoire et de sa marche vers l’horizontalité, dispose d’un système  monétaire et financier ne pouvant subir une telle transformation. C’’est la raison pour laquelle les banquiers  exigent des producteurs de l’innovation, des mesures de protection qualitatives ou quantitatives. Par exemple un engagement de limitation du volume des porte-monnaie, limitation assurée par les prix (taux d’intérêt négatif sur les stocks de monnaie digitale) ou par les quantités (plafond de création de monnaie). 

On peut pourtant se demander si -malgré un lobbying très actif de la part du système financier- la nouvelle technologie porteuse d’efficience plus grande ne l’emportera pas, ce qui mettrait  en grande difficulté le système. Bien évidemment la nouvelle monnaie même rendue hégémonique ne tue pas la finance et les banques comme le shadow banking peuvent survivre. Ainsi les opérations de crédit peuvent se maintenir. Toutefois, nous tombons sous le « 100% monnaie » et la fin de la « monnaie dette ». Par exemple, tout crédit par un établissement financier se traduirait par un débit du compte de l’établissement au passif de la banque centrale et un crédit sur le compte du bénéficiaire, compte figurant lui aussi au passif de la banque centrale. Il n’y a plus d’augmentation du bilan et donc aucune création monétaire. De fait, il n’y a plus de banque classique ou universelle. Seuls subsistent les établissements financiers.

Cette fin de la « monnaie dette » réduirait ainsi considérablement le poids de la finance dans l’économie. Le changement de technologie monétaire n’implique pas la disparition des divers métiers, y compris les divers domaines de la spéculation  et les métiers de titres. Toutefois, elle en réduirait considérablement un volume jusqu’ici nourri par les facilités de la maîtrise de la création monétaire. Dans le même temps, la banque centrale  deviendrait le pôle central de la circulation monétaire avec probablement l’apport de la sécurité : les bank-run ne sont plus possibles et l’endettement public n’est plus cause de crises.

Comme toujours les technologies nouvelles sont porteuses de difficultés et de solutions. La monnaie numérique peut tout aussi bien aggraver les désordres du monde ou à l’inverse lui configurer de nouvelles opportunités. Et ces opportunités peuvent elles-mêmes aggraver les totalitarismes (Chine) ou à l’inverse apporter une solutions aux graves défauts d’une finance devenue incontrôlée (Occident).

 

 

 

 

 

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11 septembre 2023 1 11 /09 /septembre /2023 07:17

Olivier Berruyez vient de publier sur son site une excellente vidéo consacrée aux dangers du système bancaire. Après un rappel des règles de fonctionnement d'une banque à partir de la présentation d'un bilan simplifié, l'auteur met en évidence l'immense danger du passage à la financiarisation et le développement incontrôlé de la banque universelle. En fin de vidéo l'auteur insiste beaucoup sur la spécificité du système français beaucoup plus dangereux, de par son poids extravagant, que les systèmes bancaires européens et en particulier allemand.. Mais le plus important est le danger chinois qui pourtant n'est qu'entrevu par l'auteur lequel  précise toutefois qu'il est trois fois supérieur au danger américain. 

Bonne écoute

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9 septembre 2023 6 09 /09 /septembre /2023 07:17

 

Il semble bien qu’un projet d’union monétaire pour les BRICS - projet  à des fins de dédollarisation - soit aujourd’hui plus ou moins abandonné. Certes, on voit apparaître des  échanges en monnaie nationale , en yuans entre la Chine et la Russie, voire le Brésil ou l’Argentine, en roupies entre l’Inde et la Russie, etc. Toutefois on est encore très loin d’une dédollarisation. De grandes difficultés interviennent lesquelles   supposent, pour être saisies, un examen sérieux de la question des échanges internationaux.  Procédons par étapes pour comprendre.

Supposons tout d’abord  un échange de marchandises entre 2 pays A et B, et supposons un échange en monnaies nationales inconvertibles.  Une telle hypothèse est irréaliste : si au niveau exportation on peut imaginer un paiement en monnaie nationale (par exemple la Russie accepte le paiement en roupies du pétrole qu’elle exporte vers l’Inde), nous voyons bien qu’au niveau importation l’Inde devrait  accepter le paiement en roubles. Cela signifie que, dans tout échange international, la question des devises existe. Aucun pays ne peut en faire abstraction. Et c’est bien la question de la devise ultime qui fait aujourd’hui consensus chez les uns (Occident) et débat chez beaucoup d’autres (« sud global »). 

Supposons maintenant un échange avec de nouvelles règles, les monnaies nationales  restant inconvertibles. Supposons que les acteurs des 2 pays A et B concernés par l’échange acceptent les paiements en monnaie nationale. Par exemple la Russie accepte de vendre son pétrole à l’Inde en roupies et l’inde accepte d’être payée en roubles pour les marchandises qu’elle vend à la Russie. Au terme de l’échange on ne pourra pas dire que le pays A a davantage exporté qu’importé, et qu’à ce titre il aura reçu plus de monnaie étrangère et perdu moins de monnaie nationale. On ne peut rien conclure puisque nous n’avons pas défini de taux de change entre les deux monnaies.  Symétriquement, on ne pourra pas conclure que le pays B a reçu moins de monnaie nationale et plus de monnaie étrangère. Excédent pour A, déficit pour B, sont des notions qui ne veulent rien dire tant qu’on n’aura pas défini la valeur de chacune des 2 monnaies. Les gains à l’échange n’ont de sens que si l’on définit un taux de change. Plus concrètement encore on ne pourra rien dire des échanges entre la Russie et l’Inde si on ne peut définir le rouble par rapport à la roupie ou la roupie par rapport au rouble.

Supposons maintenant que  les  2 monnaies inconvertibles se rattachent à une valeur commune, par exemple un poids d’or, on pourra alors porter un jugement sur l’échange. Au terme de ce dernier un poids d’or théorique s’est fictivement déplacé et vient matérialiser excédent et déficit. Et si une masse d’or théorique se déplace fictivement du pays B vers le pays A, on pourra dire que ce dernier est en déficit. Il n’est pas certain que l’échange puisse continuer longtemps si la masse d’or de B se déplace même fictivement. Il faut donc que le taux de change entre les monnaies puisse se matérialiser dans la réalité économique. Concrètement si roubles et roupies inconvertibles se définissent toutefois par un poids d’or théorique, une accumulation inégale de roupies par la Russie et de roubles par l’Inde va poser problème. Par exemple si, parce que la Russie grande vendeuse de pétrole à l’Inde n’achète rien à ce dernier, elle accumule de grandes quantités de roupies et l’Inde n’accumule aucun rouble, la  situation devient  intenable. Parce que la Russie ne peut rien faire de roupies inconvertibles elle n’a aucune raison de continuer de livrer du pétrole à l’Inde sans réel paiement : les roupies n’ont aucune valeur.

Historiquement, la question des convertibilités fut résolue par des mouvement réels d’or : les monnaies se définissent par rapport à un poids de métal et sont convertibles sans limite en métal précieux. C’est ce qu’on appelait avant 1914 le régime de l’étalon-or. Concrètement, en revenant à l’échange entre Russie et Inde, la Russie ne va pas accepter longtemps les roupies et va exiger de l’inde un paiement en or. Ce qui va déstabiliser sa situation et l’inviter à équilibrer ses échanges avec la Russie.

Si l’on fait maintenant un saut dans l’histoire, on sait que l’or fut remplacé par le dollar. Ce qui pose à nouveau la question dans notre exemple de la relation entre la Russie et l’Inde. On ne veut plus échanger  en dollars …mais ce dernier, mis à la porte, rentre par la fenêtre. Que peut faire la Russie de ses roupies si elle ne peut les transformer en dollars ? Le problème se pose de puis l’hiver dernier : La Russie ne peut accepter indéfiniment des roupies….surtout si pour d’autres raisons, dont la guerre, elle ne peut plus exporter comme par le passé des armes à l’Inde. Ces réalités monétaires sont s’une importance géopolitique fondamentale et dans l’exemple que nous venons d’évoquer, tout se passe comme si l’inde, dépourvue de pétrole, se trouvait d’un seul coup, comme par magie, pourvue de gisements de pétrole et que la Russie en serait dépourvue.

Et le problème, dans notre exemple, est d’autant plus ardu qu’en dehors du couple Russie/Inde il existe toujours un marché des changes avec des taux de change roubles contre dollars et roupies contre dollars. On ne peut expulser le dollar que si l’on met en place une nouvelle façon d’exprimer les valeurs relatives du rouble et de la roupie. Cette nouvelle façon suppose la création d’une unité de compte commune qui permettrait de comparer les 2 monnaies et d’assurer leur convertibilité en unités de compte. Mais ce serait encore insuffisant puisqu’en déséquilibre des échanges on ne voit pas pourquoi Inde ou Russie accepterait d’accumuler des unités de compte, surtout si ces derniers sont eux-mêmes inconvertibles en dollars….

Une façon de solutionner la question serait d’élargir le périmètre des échanges en intégrant d’autres pays dans le jeu. C’est bien ce que l’on imagine au niveau des BRICS. Cela suppose de nouvelles institutions et un multilatéralisme au niveau d’un groupe de pays. Tout d’abord si l’on veut échapper au dollar, il faut définir l’unité de compte sur la base de critères tels le poids de chaque participant en termes de PIB. Chaque pays contribuerait à la valeur commune à partir de son poids dans le club, et un taux de change. A supposer que cette valeur soit définie, il faut ensuite construire une chambre de compensation, les déséquilibres bilatéraux étant censés se transformer en équilibre de zone monétaire. Dans cette configuration le dollar serait marginalisé mais continuerait de rôder dangereusement.

C’est que la définition de l’unité de compte est autrement difficile aujourd’hui qu’elle ne l’était au temps de l’Union Européenne des paiements (1950-1958). A l’époque les monnaies européennes étaient inconvertibles et se définissaient par un poids d’or. Le dollar absent des pays ravagés par la guerre (la balance américaine est considérablement excédentaire et les dollars sont animés par une force centripète) est remplacé par un dollar théorique : chaque monnaie se définit par un poids d’or exprimé sur la base de la convertibilité officielle du dollar en or (une once valant 35 dollars). Ici l’unité de compte avait du sens et les déséquilibres constatés sur la base des taux de change donnaient lieu à un paiement en métal, faute de dollars circulant en Europe. Chacun était tenu, mensuellement, de régler ses dettes, ce que l’on ne voit pas encore chez les BRICS avec des échanges donnant leu à de simples paiements théoriques, eux-mêmes encouragés par la volonté de dédollariser.

 

L’unité de compte de l’Union Européenne des Paiements en 1950 puis l’ECU dans les années 80 furent construits dans la perspective d’un dépassement des Etats Nations. Il y avait  concordance entre la perspective d’une fin de la souveraineté monétaire et la fin de la souveraineté tout court. Une unité de compte BRICS le serait dans un sens très contrarié : on ne peut s’affirmer souverain, ce qui est quotidiennement et géopolitiquement revendiqué, et simultanément réduire sa souveraineté monétaire. Or c’est précisément ce qui se passerait en cas de perspective d’une union monétaire propre aux BRICS.

Dans le cas de l’Histoire monétaire depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le dollar s’est construit sur la base du renoncement des autres pays à leur pleine souveraineté : les monnaies européennes ne sont plus convertibles en or et ne sont convertibles que dans une monnaie particulière, celle qui restera convertible en métal. La puissance du dollar repose donc sur le fait qu’il expulse l’or comme monnaie de réserve pour y  prendre sa place. Et lorsque les dollars seront animés d’une force centrifuge en raison des déficits américains (à  partir de la fin des années 50) ils deviendront l’unité de compte ultime. La suite de l’histoire est simple à comprendre : en 1971, le dollar étant devenu hégémonique il n’y aura plus qu’à expulser le cadavre, celui de l’or enfin démonétisé. Pour cela le président Nixon n’aura plus qu’à déclare le dollar inconvertible : il est lui-même devenu l’or de jadis.

La réalité des BRICS est fort différente. L’unité de compte  de l’UEP, puis l’Ecu, puis l’euro, a  pu se construire sur la base d’une soumission au dollar et à l’ordre mondial qui lui correspondait. Un ordre qui confirmait la puissance américaine et la fin des Etat-Nations pour les autres pays. L’unité monétaire des BRICS peut-elle à l’inverse se construire indépendamment du dollar ? Le contexte est d’autant plus difficile que l’unité de compte à construire ne serait que le paravent du yuan, et une unité de compte qui serait toujours exposée à sa convertibilité face au dollar.

Dans un monde où unanimement les monnaies sont considérées comme des marchandises relevant d’une cotation come n’importe quelle matière première, le taux de change restera une épée de Damoclès. L’éventuelle monnaie commune des BRICS serait ainsi amenée à construire une armée de produits financiers permettant le maintien du cours et le maintien des cours des monnaies des pays adhérents. Et dans un tel contexte les produits de couverture des taux seraient d’autant économiquement supportables que les marchés seraient profonds et donc parfaitement liquides. A ce niveau quelle monnaie peut avoir la profondeur de marché dont le  dollar profite ? Comme sur les produits de haute technologie Les barrières à l’entrée sont considérables et on voit mal comment les BRICS pourraient se risquer à s’alourdir  de difficultés économiques supplémentaires. Déjà la banque de développement de BRICS ( New Development Bank, NDB) n’arrive pas à se passer des financements en dollars pour ses opérations au profit des pays adhérents.  Au-delà des difficultés géopolitiques comme l’opposition radicale entre Chine et Inde, ou le quasi abandon des « petites monnaies » (Rand, Real, etc.) face au Yuan, la simple rationalité s’opposera à tout projet de monnaie commune.

 

 

 

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28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 14:52

 

Les statistiques chinoises nous laissent parfois dans l’interrogation. La courte note qui suit, est consacrée au taux de croissance pour lequel les autorités chinoises parient encore sur le chiffre de 5% de hausse pour l’année 2023. Un pari intenable… et durablement intenable.

La croissance du PIB d’un pays dépend de beaucoup de paramètres dont 2 sont déterminants :  l‘évolution de la population active et l’efficacité de l’outil de production, c’est-à-dire ce qu’on appelle les gains de productivité. De ces deux paramètres - qu’il nous faut examiner-  dépend la croissance attendue pour 2023.

Ce que l’on annonce à grands cris, est bien évidemment la question de la démographie chinoise qui fait que le pays voit désormais sa population globale diminuer, une diminution estimée à plus d’un million de personnes pour 2023 et qui va prendre, mécaniquement, une ampleur croissante dans l’avenir. Le taux de reproduction - autour de 1- est aujourd’hui l’un des plus faibles du monde. Ce que l’on sait moins est qu’en conséquence la population en âge de travailler diminue elle aussi. En la matière, on trouve dans la littérature beaucoup de chiffres fantaisistes ou des estimations qui ont beaucoup changé au cours du temps. Ce que l’on sait est que depuis plusieurs années les villes chinoises ne voient plus leur taille augmenter par l’afflux de paysans. Cela signifie   que l’exode rural se termine, avec pour conséquence une grande quantité de logements inoccupés… et des usines qui ne peuvent plus recruter comme par le passé. Les estimations les plus fiables évoquent le chiffre de 770 millions de travailleurs actifs pour 2022. Avec toutefois une perspective très négative : le stock de population active devrait diminuer de 40 millions de travailleurs d’ici 2030. Jadis les taux de croissance très élevés correspondaient à un exode rural considérable et donc au passage d’activités de faible productivité ( celles des campagnes) vers des activités plus productives de valeur ( celle des usines au sein de villes nouvelles). Aujourd’hui, les flux d’entrée dans les villes sont taris et les départs en retraite gonflent. Alors que l’exode rural dopait la croissance, les départs massifs à la retraite vont dégonfler cette même croissance.

Sans efficacité croissante de l’outil de production, le PIB chinois ne peut donc que diminuer. Clairement, pour maintenir un taux de 5% de croissance, un taux qui permettrait mécaniquement de dépasser les USA et faire de la Chine la première puissance du monde, il faudrait que l’outil de production assure une croissance de la valeur produite supérieure à 5%. Un chiffre qui permettrait aussi de gommer la diminution inexorable et durable de la population active.

Hélas cette croissance de l’efficience ne sera pas au rendez-vous. Plusieurs arguments majeurs peuvent être invoqués.

Tout d’abord - nous venons de le voir - il n’y a plus à espérer les gains de modernisation entrainés par le passage d’une agriculture traditionnelle faiblement productive vers une industrie beaucoup plus productive : l’exode rural se termine.

Ensuite les transferts de technologie par imitation, par copiage, ou par non-respect de contrats avec les entreprises occidentales, sont eux-mêmes entrés en phase descendante. La marque première de ce déclin se lit dans les flux d’IDE ( Investissements Directs à l’Etranger) qui s’effacent rapidement de l’espace Chinois. Les entreprises occidentales, volontairement ou de façon plus contrainte quittent  la chine. Si en longue période les flux entrants d’IDE furent croissants et vont culminer en 2022 (189 milliards de dollars ), l’année 2023 sera catastrophique avec seulement 4, 9 milliards de dollars pour le second trimestre.

Au-delà, la politique d’un développement beaucoup plus autocentré, imposé par le pouvoir va aggraver les tendances lourdes d’un management centralisé et structurellement peu ouvert à l’innovation. Concrètement dans les grandes entreprises chinoises, qu’elles soient sur le territoire national ou implantées à l’étranger, le groupe des décideurs est peuplé de nationaux et le nombre de cadres étrangers ouverts aux autres cultures reste limité. Le conservatisme managérial bloque le progrès et il est plus difficile de développer une créativité qui suppose une ouverture maximale dans le groupe des décideurs. De ce point de vue, la Chine se contente de développer de coûteuses routes de la soie alors que les entreprise occidentales se nourrissent des différences apportées par un multiculturalisme savamment cultivé. De petits pays, sans grands débouchés nationaux, (Suisse par exemple) peuvent ainsi disposer d’entreprises planétaires à forte croissance en bénéficiant d’une politique d’ouverture maximale dans un encadrement qui a cessé d’être national depuis de longues années (Nestlé par exemple). De ce point de vue la Chine, malgré de solides réussites, reste mal classée dans l’indice mondial de l’innovation (Onzième rang mondial et seulement troisième rang au niveau du continent asiatique selon le « Global Innovation Index » de 2022).

Pour ces trois raisons susvisées, il est clair que  le taux de 5% de croissance pour 2023 est inatteignable. Au-delà, la Chine se dirige au mieux vers la stagnation et plus vraisemblablement vers un affaissement durable de son PIB

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23 août 2023 3 23 /08 /août /2023 14:27

 

A propos du serpent de mer "dédollarisation" nous nous permettons de reprendre un texte déjà publié sur le blog en mai dernier. Ecrit  à propose de la Russie et de ses échanges problématiques, il reste complètement d'actualité en cette fin d'été. Nous publierons dans quelques jours un texte plus orienté sur  les problèmes de la prétendue monnaie de réserve chinoise. Bonne lecture.

La question de la fin du dollar est à nouveau évoquée dans le cadre de la gestion de la crise ukrainienne. Nous voudrions ici montrer que cette potentielle issue n’est pas pour demain et que ce qu’on appelle privilège du dollar reste un point d’ancrage peu dépassable.

Comprenons d’abord ce que l’on entend par privilège du dollar. Prenons le cas d’un pays mal positionné dans la hiérarchie économique mondiale. Sa monnaie sera vraisemblablement en concordance avec son positionnement. Supposons que ce pays s’achemine vers un double déficit : celui de ses finances publiques et celui de son compte extérieur. Il peut certes financer son déficit public par création monétaire. Cette situation entraine un cocktail peu rassurant : une inflation résultant d’une masse monétaire croissante et une aggravation du déficit extérieur par augmentation des importations résultant elle-même des effets de la dépense publique. Le déficit extérieur pourrait être soldé en monnaie nationale mais il est très probable que les partenaires étrangers refuseront. La raison est simple : la monnaie en question est particulièrement difficile à utiliser. On ne peut que très difficilement s’en servir pour acheter des marchandises qui n’existent pas ou ne correspondent pas aux qualités appréciées. On ne peut pas non plus facilement la céder à des investisseurs qui, eux-mêmes, cherchent des capitaux très liquides pour les opérations correspondantes. Nous connaissons présentement cette circonstance à grande échelle avec la Russie qui accepte des Roupies au titre du paiement de son pétrole vendu à l’Inde, mais qui cherche une solution pour une utilisation de comptes en monnaie fort peu désirée. En clair lorsqu’on est mal positionné économiquement, le besoin total de financement reste une masse qui ne peut être allégée. Elle reste un poids lourd dans le sac de voyage du pays. Que la Russie accepte en continu l’abondement de comptes en roupies serait merveilleux pour l’Inde, pays démuni en matière énergétique qui pourrait ainsi se ravitailler par simple émission monétaire. Un peu comme si, miraculeusement, l’Inde devenait propriétaire sur son sol de gisements de pétrole.  Hélas, ce n’est pas possible et la Russie veut ou voudra être payée car elle ne trouve en Inde que peu de produits ou services répondant à ses besoins.

Si l’on prend maintenant le cas des USA, les choses sont très différentes. Le déficit public semble sans limite et tous les ans la comédie très médiatisée de l’autorisation du relèvement de la dette ( 34000 milliards de dollars aujourd’hui) par le congrès reste de l’ordre du théâtre comique. Dans le même temps, le déficit extérieur peut ne pas connaître de limite (948 Milliards de dollars en 2022). Les partenaires des USA acceptent sans difficulté la contrepartie monétaire d’un tel besoin de financement car sa liquidité est la plus importante du monde. Tout dollar est parfaitement convertible en n’importe quelle marchandise ou en n’importe quel actif et ce en quantité illimitée. A l’inverse des Roupies figurant aujourd’hui sur des comptes bancaires russes, les dollars figurent sur des comptes répartis sur la totalité de la planète et personne ne se soucie de leur parfaite convertibilité. L’énorme besoin de financement du pays n’est en aucune façon un sac trop lourd et se trouve à l’inverse une opportunité pour un fête continue. Et l’énorme émission monétaire qui se cache dans le doublement des actifs financiers depuis 2007 ne donne pas lieu à une inflation notable. Les USA ne sont pas l’Inde.

C’est cela que l’on appelle privilège du dollar.

Ce privilège de part son fonctionnement semble devoir logiquement se renforcer.

Son point de départ relève évidemment de la fin de la seconde guerre mondiale. A l’époque, l'Amérique était devenue l’usine du monde et, en correspondance, sa monnaie était au sommet de la hiérarchie. L’Amérique de l’époque aurait pu -entre autres- accepter des paiements en monnaies européennes, ce qui l’aurait amenée à stocker des monnaies inutilisables, donc des actifs sans valeur, un peu comme la Russie aujourd’hui au regard de l’Inde.  Rationnellement, elle a préféré le paiement à partir de crédits en dollars aux pays en cours de reconstruction. En élargissant le périmètre de ces crédits (plan Marshall) les USA assurent des débouchés à son industrie et font du dollar la monnaie la plus recherchée car la plus utilisable partout dans le monde.

La reconstruction achevée, la mondialisation qui va suivre ne peut que renforcer le privilège. La libre circulation du capital qui va se mettre en place s’opère d’abord sur l’actif déjà le plus liquide et donc va renforcer le rôle du dollar : les autres actifs ne peuvent avoir la même profondeur de marché et donc au nom de la sécurité, il vaut mieux choisir le dollar plutôt que le franc ou la pesetas. Mais, en choisissant le dollar, on rend encore plus liquide les actifs en question -ce qu’on appelle la profondeur de marché- ce qui augmente par effet de contagion les émissions en dollars et le libellé de tous les outils de sécurisation financière lesquels s’homogénéisent autour du dollar. Progressivement, le monde de l’international ne peut utiliser que le langage du dollar. Le privilège du dollar est donc aussi un effet de foule sans doute difficile à endiguer.

Même chose pour la libre circulation des marchandises -bientôt devenues  ensembles complexes et quasi infinies de chaînes de la valeur- qui fera que le contenu importé de chaque exportation dans le monde ne pourra que croître. Un tel contexte ne peut accepter pour chaque étape des contrats en monnaies nationales soumises à des parités mouvantes. Il faut facturer, à chaque échelon, dans la même devise et là encore, par un phénomène de foule, les contrats seront libellés en dollars tout au long de la chaîne. La sécurisation d’une chaîne et donc la minimisation du coût des risques de change passe donc par le dollar.  La tendance générale est donc, non pas la fin de l’hégémonie du dollar, mais au contraire sa conservation. C’est cette tendance qui explique que la fin très officielle de la libre convertibilité du dollar le 15 aout 1971 ( fin des accords de Bretton Woods), loin de correspondre à la fin du dollar ne fut que le début d’une nouvelle et fulgurante ascension.

Peut-il y avoir dédollarisation ?

 On peut l’attaquer aujourd’hui en limitant les modalités et les conditions de son utilisation. C’est curieusement le gouvernement américain qui, lui-même, semble vouloir limiter la liquidité et la crédibilité du dollar.   Par exemple les USA ont décidé d’un embargo sur les réserves en dollars de la Russie. Il faut savoir qu’un tel embargo est à priori efficace puisque tout actif libellé en dollar est de fait tenu par une banque américaine censée obéir à l’exécutif. Par exemple, le pouvoir Russe peut détenir des comptes en dollars dans des banques étrangères non américaines mais ces comptes ne sont que la contrepartie de comptes qui eux-mêmes relèvent de la gestion d’une banque américaine. Ainsi une entreprise russe exportatrice de matériels militaires en Inde peut exiger un paiement en dollars sur un compte qu’elle possède à New Delhi…mais ce paiement en dollar mobilisera en contrepartie un compte de banque américaine… Théoriquement, l’embargo peut donc être extraordinairement puissant et développer l’indisponibilité d’un dollar pour lequel il faudrait lui trouver un substitut. Pour autant un tel geste ne déclenche pas un mouvement de conversion au profit de monnaies devenues subitement plus utilisables. D’abord parce que tous les pays ne sont pas sanctionnés, mais surtout parce qu’en termes d’Etat de droit ou d’illibéralisme les USA apparaitront toujours comme plus libéraux que les autres. La fragmentation géopolitique du monde est en marche et les grands blocs qui semblent apparaitre (Occident global, Est Global et sud Global) sont eux-mêmes fragmentés. Sans doute pourra-t-il émerger ici ou là des échanges en monnaies nationales qui resteront en concurrence entre-elles. Mais c’est cette concurrence qui précisément va maintenir le privilège du dollar : les divers signes  monétaires peuvent  se faire concurrence mais le meilleur d’entre-eux restera le dollar. Pour une véritable disparition du privilège du dollar il faudrait une toute autre transformation, par exemple celle très utopique examinée dans nos articles des 3 et 9 mai 2023 (« Avenir probable des banques centrales »).

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16 août 2023 3 16 /08 /août /2023 12:40

« Il n’est pas contraire à la raison que je préfère la destruction de l’humanité à une égratignure de mon doigt ». Cette phrase que l’on doit à David Hume - grand inspirateur d’un Adam Smith s’apprêtant à écrire sa « Théorie des sentiments moraux » -  est probablement d’une cruelle actualité. C’est aussi dire que la guerre en Ukraine, s’ajoutant elle-même à une crise environnementale globale, va probablement redessiner le visage du monde. Du même coup, elle devrait inspirer toute démarche s’intéressant à l’avenir de la France.

Jusqu’ici le monde semblait devenir plus plat et l’utilisation méthodique du paradigme de l’économie était censée permettre la fin des conflits. La solidarité mondiale des chaînes de la valeur elles-mêmes mondialisées devait constituer la trame de la paix perpétuelle chère à Emmanuel Kant.

On sait maintenant que ce paradigme, utilisé sans nuances – pensons à l’Allemagne- était erroné car incapable de prendre en considération la complexité d’un monde décrypté par un Edgar Morin. La théorie du libre-échange et de ses avantages déjà amorcée par David Ricardo s’est pleinement épanouie avec la mondialisation construite à partir de traités relevant tous de cette théorie. Rien ne devait contrarier son application et même les Etats étaient censés se retirer des éventuels litiges commerciaux : le régalien devait se taire face à la liberté contractuelle. On sait maintenant, et on saura probablement davantage demain, que les futurs traités devront laisser une place prioritaire au régalien et à la puissance : protection technologique et souci stratégique comme principes prioritaires. Moins d’extraversion constatée et plus d’auto-centrage décidé, et pas simplement avec des nudges. Le paradigme économique ne pourra s’épanouir que dans l’étau  d’un grand retour des Etats. A ce titre, son axiomatique devra évoluer. Les rugosités géopolitiques sont  appelées à l’emporter sur les platitudes d’un paradigme qui voyait dans les Etats un fossile à faire disparaître. L’économie redeviendra Economie Politique.

Les questions environnementales et leur approche vont dans le même sens. Pendant des décennies, il fut considéré que le paradigme économique n’avait pas à intégrer la question des liens entre la vie des humains et celles des autres habitants de la planète. Le seul lien qui semblait plus ou moins exister se trouvait dans la théorie de la rente… une rente que l’ouverture des marchés devait effacer. Discours devenu littéralement hors sol, il est aujourd’hui rattrapé par la question du climat, ou celui de la biodiversité. Bien sûr, on tente de maintenir le paradigme intact en s’appuyant largement sur le « technosolutionnisme », mais on sait aussi que les sciences de la vie, beaucoup plus au centre de la complexité et du holisme qui lui correspond, sont très critiques sur ce type de solution. Pensons par exemple à la question de l’éradication des nuisibles dont on craint les retombées par méconnaissance des interrelations entre toutes les espèces végétales et/ou animales. On sait également que nombre de tentatives techniques se sont déjà heurtées à une complexité inattendue (ensemencement des nuages pour augmenter la pluviométrie, dépollution des navires qui contribue à augmenter la température des océans, etc.)  Le paradigme économique ne peut vivre en dehors de liens avec le monde.

Si l’on se borne à la question des Etats et à ce qu’ils doivent faire aujourd’hui, on reste impressionné par la gestion du passé. Naguère les entrepreneurs politiques, notamment occidentaux et notamment démocrates, ont affaissé la puissance publique en favorisant l’économie et le social. Un monde moins hiérarchisé et plus plat devenait un produit politique favorable à la conquête ou la reconduction au pouvoir. Moins d’autorité et plus de contrats voire d’émancipation relevait aussi d’un changement anthropologique et donc d’un changement de marché politique. Au delà des rapports coopération/confrontation/soumission entre entrepreneurs politiques et économiques, mais aussi avec les autres acteurs concernés ,  l’Intérêt politique passe par la satisfaction des intérêts économiques globaux ou sociétaux. Cette combinaison porteuse d’affaissement du politique pourra aller très loin avec la fin d’une guerre froide autorisant une « distribution des dividendes de la paix ». Même les USA, malgré l’énormité des industries de la défense, malgré la quête du maintien de la puissance, seront plus ou moins tentés par cette configuration. Pensons par exemple au passage d’un Georges Bush à un Barak Obama.  

D’autres Etats ont connu un devenir différent. C’est que la mondialisation peut aussi devenir le tremplin d’une restauration de la puissance. On ne se sert pas ici de l’économie pour seulement rester au pouvoir et accepter un monde plat, par essence instable et supposé contaminé par des principes démocratiques.  Des principes étrangers aux entrepreneurs politiques locaux. Au contraire, on se sert de l’économie pour assurer ou restaurer la puissance réelle ou mythique d’un passé que l’on imagine glorieux. Pensons au grand retour des empires que l’on croyait disparus. Grand retour qui s’accommode, voire s’appuie sur un individualisme de repliement tel que celui constaté dans la Russie actuelle.  C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la guerre en Ukraine. Une guerre qui fera l’étonnement de la regrettée Hélène Carrère d’Encausse et qui va rétablir la cruelle vérité de la phrase de David Hume : oui les entrepreneurs politiques russes n’ont pas d’autre choix que de penser à leurs doigts. Oui les Etats restent ce qu’ils ont toujours été : une réalité qu’en termes modernes on peut appeler mafieuse. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les grands changements géopolitiques.

C’est aussi dans ce contexte qu’il faut repenser l’avenir de la France.

De ce point de vue la France dispose - si l’on ose dire - d’un avantage comparatif. Elle paraissait déclassée et en retard dans le grand aplatissement du monde. D’où ces incessantes et toujours insuffisantes réformes structurelles proposées par ses entrepreneurs politiques cachés derrière le grand marché à construire. Un monde devenu géopolitiquement beaucoup plus rugueux devrait mieux correspondre à son histoire, à ses institutions et à sa réalité anthropologique.

Le risque est pourtant celui d’une tentative absurde de retour au passé tel qu’il était. Il est difficile d’imaginer un rétablissement brutal du franc, la mise à l’index des dévaluations internes par des décrochages monétaires fréquents, une planification à l’ancienne, une internationalisation à l’ancienne, l’agrarisme comme projet environnemental, l’affaissement des nouvelles valeurs qui ont fait disparaître  le citoyen de jadis, l’effacement d’un projet européen, la fin du multiculturalisme, etc. Il s’agit au contraire de s’armer pour mieux répondre aux nouveaux défis en s’appuyant sur un invariant c’est – à-dire une culture historique accordant une place centrale à ce que Philippe d’Iribarne appelle encore la « passion de l’égalité ». Et une passion qui se renouvelle avec les valeurs émergentes, celles décrites par Cynthia Fleury (égale valeur des formes de vies humaines) ou celles de l’individualisation ( à ne pas confondre avec l’individualisme) analysée par Pierre Bréchon.

De ce point de vue, reconstruire pour affronter les questions centrales de l’environnement et du nouveau monde géopolitique suppose qu’il soit mis fin à une guerre civile larvée, elle-même issue de la fragmentation de ce qui était l’énorme bloc des classes moyennes de jadis. Les lourdes décisions concernant les questions environnementales et géopolitiques doivent tenir compte de leur capacité à réduire la guerre civile larvée. Pour reprendre les mots de David Hume Il faut choisir l’égratignure du doigt – choisir le bien plutôt que l’intérêt aveugle -  mais en  prenant soin à la gestion de ladite égratignure.

Cela signifie que tous les projets concernant l’environnement ou la gestion des rugosités géopolitiques doivent prendre en considération leur portée en termes de fin des faux emplois, de fin des bullshits jobs,  de fin de la précarité salariale, de rétablissement d’emplois porteurs de réelle valeur ajoutée, mais aussi de contestation des rémunérations stratosphériques avec les comportements qui leurs correspondent en termes environnementaux voire simplement moraux. Adam Smith et David Hume ne doivent pas rester éloignés des futurs décideurs.  Il n’y a toutefois pas de miracle et le retour d’emplois plus productifs ne signifiera pas le rétablissement rapide des gains de productivité, le paradigme économique traditionnel devenant muselé dans le nouveau cadre. A titre de simple exemple n’oublions pas que la fin des énergies fossiles est aussi la fin relative d’une efficience confortable, et l’avion à hydrogène sera nettement moins performant que celui consommant du kérozène.

Faire face aux questions environnementales et géopolitiques nouvelles suppose des investissements colossaux en face desquels n’existe guère d’épargne suffisante. Pensons par exemple à  l’isolation du parc immobilier ou la mise à niveau qualitatif et quantitatif des équipements militaires. Pensons aussi à la novelle architecture productive à mettre en place : relocalisations, retissage des chaines de la valeur, infrastructures énergétiques nouvelles, reconfigurations logistiques, etc. Faire face à ces coûts macro et microéconomiques colossaux suppose de rassembler des moyens hors de portée pour un pays déjà victime de légendaires déficits jumeaux.   Le recours à un endettement classique considérablement multiplié n’est lui-même guère imaginable en raison de la taille des dettes et de taux d’intérêts rapidement croissants. Il faut donc mobiliser une masse colossale de capital sans dette. Cela passe évidemment par une évolution de l’architecture monétaire et financière.

En tout premier lieu cela suppose, sans le dire si possible, de mettre fin à l’indépendance de la banque centrale et de l’autoriser à émettre sans dette de la monnaie avec la   contrainte de   son utilisation aux fins nouvelles (environnement et contraintes géopolitiques) décidées par l’Etat et imposées aux entreprises.

Il est extrêmement difficile d’aller plus loin, mais il faut en même temps constater qu’il n’est d’autre solution que celle d’un remaniement considérable des règles du jeu de la finance dans le cadre d’une construction européenne jusqu’ici elle-même articulée autour de ces règles. Si on considère à priori qu’il faut savoir « égratigner le doigt » pour éviter la « destruction de l’humanité » toute réflexion sérieuse concernant l’avenir de la France doit répondre à toute une série de questions.

Sachant que les autres pays de la zone européenne sont plus ou moins dans une situation comparable et que déjà le personnel politico-administratif européen s’est fait plus souple dans de multiples domaines, dans quelles conditions est-il possible d’accepter de transformer les QE classiques en émissions monétaires sans dette ?

Dans quelle mesure et à quelles conditions cette émission aux fins des nouveaux défis qui se posent, peut-elle améliorer une solidarité européenne en termes de convergences multiples ? Par exemple en termes de meilleure articulation de chaines de la valeur aboutissant à un développement plus autocentré sur la communauté des Etats européens ?

Dans quelle mesure et à quelles conditions  serait-il possible de lier les émissions monétaires sans dette à des objectifs de convergence économisant une crise de l’euro et donc rendant plus réaliste qu’aujourd’hui le taux de change de 1 contre 1 ?

Si la précédente réflexion débouchait sur une impossibilité, dans quelle mesure un remplacement de l’euro par une monnaie commune avec rétablissement de taux de change nationaux serait-il une solution crédible ?

Ces questions sont évidemment multiples et s’enracinent dans la densité opaque des systèmes financiers (banques et shadow banking). Quelles mesures générales faudrait-il prévoir pour éradiquer les risques d’incendie ? (identification des risques et choix des solutions) L’interdit juridique de la spéculation comme paris sur de simples fluctuations de prix est-il pensable ? Quels contrôles sur la créativité financière en termes de produits et en termes de pratiques ? Est-il pensable d’élargir le champ de la responsabilité pénale pour les acteurs financiers ? Quel contenu juridique à la mise sous tutelle européenne des systèmes financiers ? Quelles conséquences géopolitiques de décisions monétaires et financières blessantes pour le cœur de la mondialisation finissante ?

Si les coordonnées fixées par ce présent papier sont exactes et si effectivement il vaut mieux « égratigner le doigt » plutôt que de « détruire l’humanité» nous attendons la constitution d’un groupe de travail consacré au sujet. A lui de fixer l’architecture d’un système monétaire et financier crédible pour affronter les nouveaux défis .

Un autre groupe de travail pourrait se servir des conclusions et recommandations du premier pour répondre à la question de l’architecture productive à mettre en place. La ligne de mire étant le rétablissement de  l’immense classe moyenne susceptible d’éloigner la guerre civile larvée qui taraude le pays. Les questions tournent autour de quelques grands sujets. Quelle place accorder aux infrastructures et quels choix ? Comment faire évoluer ou éradiquer les faux marchés de l’énergie imaginés sous la férule du paradigme de l’économie ? (Pensons à la stupéfiante loi NOME de 2010). Comment  progressivement faire disparaitre la multitude des faux emplois improductifs chargés jusqu’ici de la gestion bureaucratique des faux marchés ? (pensons à la Commission de Regulation de l’Energie et à ses satellites, pensons aux centaines d’autres Autorités Administratives Indépendantes). Quels choix technologiques ?  Plus généralement comment requalifier les victimes de ce qui est devenu le néo-taylorisme de tous y compris des cadres? Peut-on imaginer  la construction d’écosystèmes élargis à l’instar de ce qui existe encore au niveau des industries de la défense ? Comment reconstruire une agriculture sécurisée et comment la pourvoir en personnels suffisants ? Comment imaginer le contenu des nouveaux traités commerciaux ? Etc.

En résumé les 2 groupes de travail seraient chargés de proposer un programme de solutions construit en dehors de toute préoccupation en termes de marchés politiques. Il ne s’agit pas de répondre à des appels d’offre d’études de marchés pour tel ou tel entrepreneur politique, mais au contraire de simplement répondre à la question de la gestion de « l’égratignure du doigt » qu’il faut s’imposer pour éviter la « destruction de l’humanité ».

                                                      Jean- Claude Werrebrouck le 16 Août 2023.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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4 août 2023 5 04 /08 /août /2023 15:21

Très vite au cours de la prochaine rentrée nous serons  engagés dans des débats juridico institutionnels autour du couple police/justice : privilèges ou non de droits au-delà des moyens légitimes dévolus à la force publique, dérogation au regard de l’article 37 du code de procédure pénale, principe d’égalité des citoyens devant la loi, réforme législative « limite » introduisant un glissement sémantique depuis les notions  d’infractions et de délits vers celles d’erreurs et de fautes graves, etc. Comme toujours on prendra soin de ne rechercher la clé que sous le lampadaire. Entre temps on aura oublié que ces débats ont émergé de façon croissante avec ce que certains ont appelé l’ensauvagement de la société. Et un ensauvagement qui concerne davantage la France que beaucoup d’autres pays. 

Comme souvent rappelé dans le présent blog, Un Etat se caractérise par le type d’appropriation - par des agents spécialisés- de tout ou partie du « commun » d’un groupe humain. Curieusement, certains Etats africains semblent devenir aujourd'hui les exemples  immédiatement visibles et parfaits de ce type de modèle. Même en démocratie il y a détention de ce commun par des agents qui ici ont le privilège d’être choisis par des citoyens électeurs. Globalement, ce commun généré et accumulé sur des dizaines de milliers d’années est fait de croyances et règles sociétales souvent non écrites et surtout d’une armature juridique complète. Tout ce que de manière plus savante Hayek appelait «règles de justes conduites».

Ce qu’on appelle marché politique est la possibilité de geler ou transformer ces règles par les gagnants des élections. Les gagnants proposent généralement des réformes qui correspondent à autant de modifications de l’architecture juridique globale. Le tout emballé dans des programmes qui se veulent enchanteurs et surtout n’oubliant jamais ce qu’on appelle un « intérêt général ».

Ces modifications entrainent celles du bien- être de telle ou telle catégorie de citoyens. Par exemple, un blocage des loyers est un avantage pour les occupants et un désavantage pour les propriétaires ; une hausse du taux de l’intérêt un avantage pour les épargnants et un désavantage pour tel ou tel autre groupe social etc... Sachant que toute mesure entraîne des effets pervers, par exemple un ralentissement de la construction de logements en cas de blocage des loyers, il est très difficile de parler d’intérêt général. En même temps, les entrepreneurs politiques n’ont d’autre choix que de se servir abondamment de cette expression, le plus souvent de façon quasi sacrale, pour vendre leurs produits sur le marché politique. Observons aussi un activisme croissant des entrepreneurs politiques lesquels sont engagés dans des orgies réglementaires avec par exemple en France un journal officiel devenu largement illisible tant il devient volumineux. Observons enfin que cet activisme croissant ne concerne pas que le régalien ou les droits économiques et questions sociales qui lui correspondent. Il touche de plus en plus massivement les questions sociétales et plus généralement culturelles. Des droits libertés nouveaux sont ainsi venus s’ajouter aux droits créances plus traditionnels.

Observons le grand effet miroir entre entrepreneurs politiques et entrepreneurs économiques : activisme croissant pour élargir sans cesse marché économique et marché politique ; ouverture sans limite avec marchandisation généralisée de tous les actes de la vie et ses conséquences anthropologiques ; étendard de l’intérêt, macro politique d’un côté, micro économique de l’autre, etc.

Les entrepreneurs politiques à cheval sur l’armature générale de la société doivent bien évidemment faire respecter l’ordre  humain en principe généré par ladite armature, d’où le célèbre « monopole de la violence légitime » sur lequel ils doivent impérativement s’appuyer. C’est qu’au-delà des idéologies qui évoquent l’intérêt général ou le consensus social, l’ordre juridique ne tient fort banalement que par la force. Sans l’outil monopole de la violence, le monde ne peut que se défaire, aussi bien politiquement qu’économiquement.

Plus le fonctionnement logique des marchés politiques élargit l’offre globale de droits et leur consécration matérielle et plus l’exercice du maintien de l’ordre par la violence légitime devient difficile. Des espaces infinis de liberté appuyés par des technologies où virtuel et réel se confondent, permettent  de déconstruire la société, voire d’envisager sa reconstruction violente.  Comment faire si au nom d’un passé difficile (colonisation) on peut même proposer l’exclusion de ceux qui ont cultivé la liberté? Comment faire si au nom de libertés devenues infinies, l’espace du commun s’évapore ou se fragmente ? Comment faire si des entrepreneurs d’un type nouveau appelés « entrepreneurs de violence » émergent et récupèrent les idéologies d'un néo souverainisme voyant dans la démocratie un piège et dans le charisme individuel des hommes forts une solution? Comment faire si les institutions chargées historiquement de produire du sens et du collectif disparaissent ? Comment faire si une solidarité à prétention universelle se mue en simple solidarité préférentielle, laquelle, parce que sélective, est naturellement non inclusive et autorise l’émergence de bandes rivales (indigénisme, racialisme, wokisme). Comment faire si cette atrophie est elle-même renforcée par des faiblesses culturelles tant quantitatives que qualitatives (crétinisation de masse induite par les réseaux sociaux, analphabétisme militant) ? Comment se situer si je ne maitrise plus la culture du monde d’où je viens, ni - a fortiori- celle en voie de disparition du monde censé m’accueillir ? Comment marier l’ouverture sans limite d’un marché du capital et restreindre celle  d’un marché du travail (problème en particulier du Danemark ou de la Pologne) ? Comment mettre en harmonie des dilatations religieuses dont certaines sont traditionnelles et d'autres glorifient sans limite le culte de l'individu et celle d'une possible réussite ostentatoire et dilapidatrice? Nous pourrions multiplier à l’infini ce type de questions.

Globalement, l’outil monopole de la violence était adapté dans un monde où la notion de société avait encore du sens. Il s’agissait d’inviter avec force chacun à se conforter à l’intérieur de l’éventail des comportements possibles, lequel faisait l’objet d’une négociation politique à l’intérieur de la communauté. Tout ayant disparu, la violence légitime cesse de l’être et se trouve amenée à laisser la place à des émeutiers. D’où l’immense malaise des responsables en charge de l’instrument violence légitime.

La suite logique des évènements risque de devenir très difficile pour les entrepreneurs politiques au pouvoir : ils ne tiennent que sous la protection de ceux chargés d’exercer la violence légitime. Si la protection disparait, ils s’engloutissent dans le chaos généralisé. On peut anticiper que les débats de la rentrée tourneront beaucoup autour de l’édifice violence légitime. La véritable question étant comment échapper au chaos dans un monde où la violence légitime est délégitimée ?

 

 

 

 

 

 

 

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17 juillet 2023 1 17 /07 /juillet /2023 12:56

Il est inutile ici de reprendre les innombrables points de vue concernant les causes des émeutes et les solutions qu’il convient d’y apporter. Intéressons-nous plutôt aux réactions et propositions des acteurs de la sphère politico-administrative. Les « entrepreneurs politiques » (des agents élus, généralement à partir « d’entreprises politiques » appelées partis) se doivent de considérer les moyens du retour au consensus social comme des « produits » susceptibles d’être « achetés » sur les « marchés politiques » aux fins de garder ou de prendre le pouvoir. Dans le cas considéré du traitement des émeutes, il semble que la matière première de nombre des actions proposées aux électeurs repose sur l’idée « d’émancipation » dans les zones réputées difficiles. Terme à connotation bien évidemment positive convenant bien au marketing politique mais qu’il s’agit de creuser et de préciser dans l’offre globale des entreprises politiques et de leurs entrepreneurs.

 1 - Les entrepreneurs politiques de gauche parlent d’émancipation à partir de l’idée de justice, donc une émancipation comprenant des outils économiques et sociaux (infrastructures scolaires et sanitaires, accompagnement social, emplois aidés, contrôle des loyers, boucliers tarifaires, subventions, allocations diverses, bourses, etc.). Majoritairement ces mêmes entrepreneurs restent modestes dans cette offre de produits politiques en raison des limites d’un Etat-providence déjà très surdimensionné. De plus en plus à l’étroit dans ce type de produit à vendre sur les marchés politiques, ils se rattrapent depuis longtemps sur des produits de type sociétaux a priori moins couteux et aisément vendables : allègement des procédures de divorce, mesures d’égalisation des rapports entre sexes,  introduction de la « cancel culture » et mesures censées mettre fin à la société patriarcale, contestation de la notion de frontière et bienveillance concernant l’immigration au nom de droits de l’homme, etc. De quoi faciliter l’émergence d’un individu complètement désenchainé et complètement souverain de lui-même. Il s’agit donc de placer l’offre politique sous le signe de la libération. La tendance globale de l’offre de ce type d’entrepreneurs politiques est donc moins de produits de nature économico-sociale  et davantage de produits de type sociétaux.

2 - Les entrepreneurs politiques de droite sont globalement en accord avec les entrepreneurs politiques de gauche concernant toute l’offre classée et rangée dans la catégorie « Etat-providence ». C’est la raison essentielle pour laquelle il est devenu difficile pour les citoyens de distinguer la droite de la gauche. Cette convergence marque aussi la fin de ce qu’on appelait les révoltes dans notre précédent article[1] : il n’y a plus grand-chose à revendiquer dans un monde où les gains de productivité ont disparu. Les révoltes et revendications de jadis laissent la place à l’adaptation aux marchés économiques mondialisés et l’émancipation ne trouve  plus sa place dans les mesures sociales passant par l’économie. Si donc gauche et droite se confondent sur ces questions, les entrepreneurs politiques de droite sont beaucoup plus réticents sur les produits sociétaux, leur marché traditionnel étant celui d’électeurs qui baignent encore dans les idéologies traditionnelles concernant l’organisation familiale, voire les valeurs religieuses, le territoire, ou la notion de nation elle-même équipée de frontières. Ici l’émancipation ne saurait passer par des mesures sociétales. Toutefois, il s’agit de nuancer et comprendre que ces entrepreneurs politiques ont de plus en plus tendance à se scinder en  groupes très distincts.

Il y a ceux qui considèrent qu’il n’est plus possible de lancer sur le marché des produits autres que la simple adaptation à la mondialisation (libéralisation du marché du travail, promotion de simples accords d’entreprise, droit du travail adapté aux contraintes mondialistes, produits de mobilité du travail, mesures en faveur de l’apprentissage, ouverture large des frontières, etc.). En même temps, ces  entrepreneurs politiques sont très proches de la gauche voire davantage concernant les produits sociétaux. Cette tendance est appelée « progressisme ». En termes d’émancipation le résultat est d’abord d’ordre sociétal. En termes de marché l’offre correspondante est large. Globalement, il s’agit du courant au pouvoir dans la France d’aujourd’hui.

Il y a ensuite ceux qui très en accord avec le premier groupe sur les produits d’adaptation, sont opposés aux réformes sociétales, et bien évidemment en totale opposition avec tout ce qui peut concerner la libre immigration et plus encore l’idée de cancel culture ou de contestation de la société patriarcale. En termes d’émancipation l’offre est peu lisibleEn termes de marché l’offre correspondante est étroite et cela donne des résultats électoraux décevants. Il est très difficile d’être à cheval entre la mondialisation et ses contraintes d’adaptation et le refus de laisser totalement ouvertes les frontières au profit de l’immigration. Parce que le sociétal est aussi un marché déjà émergé dans l’ordre économique, la dérèglementation et la liberté radicale sur les marchés économiques ne peuvent  être accompagnées de restrictions dans l’ordre sociétal. La souveraineté de l’individu est indivisible et ne saurait s’accompagner de zones de dépendances sociétales.  L’offre politique étant peu claire ces entrepreneurs se trouvent dans la position d’un constructeur automobile proposant une carcasse de 2 cv équipée d’un moteur de voiture de course. Problème de cohérence d’offre.

3 - Il y a enfin ceux qui considèrent globalement que les produits/mesures économiques d’adaptation à la mondialisation doivent être retirés des marchés politiques. De la même façon, doivent être retirés du marché tous les produits sociétaux, tous les produits d’émancipation qui aggravent la relation entre nationaux et immigrés. D’abord par la quantité : l’immigration doit cesser d’aller dans le sens de l’ordre mondialiste et son flux devenir très encadré. Ensuite par la qualité : il ne faut pas dynamiser la naissance de l’individu complètement souverain qui devient ennemi/ami des populations immigrées. Ennemi, car la société d’accueil se trouve de plus en plus éloignée des valeurs des immigrés, un monde qui devient l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire (insupportable laïcité, insupportable abandon de l’ordre familial, insupportable cancel culture comme anéantissement des vieilles solidarités, etc.). Ami, car au nom de la liberté généralisée et de la souveraineté de tous, les agents qui vivent dans un tout autre système peuvent mettre en avant ledit système comme libre choix. Prenons un exemple : le port du voile n’est pas le signe d’une aliénation mais celui d’une liberté bruyamment revendiquée, de quoi brouiller tous les repères et introduire davantage de méfiance. Curieusement, la consolidation des règles traditionnelles peut, par simple opportunisme, ne pas entrer en contradiction avec certaines pratiques du monde libertarien.

Cette dernière offre politique, souvent appelée « extrême droite », n’accorde que peu de place à l’idée d’émancipation, se trouve très cohérente, mais représente un virage considérable par rapport aux choix des 40 dernières années. Le marché est potentiellement très large mais il y a franchissement du Rubicon et les entrepreneurs politiques correspondants n’évoquent que rarement l’idée d’émancipation. Cohérence de projet reposant sur ce que nous avons appelé le retour à « l’âge institutionnel des Etats"[2].

Globalement, l’éventail de l’offre politique va ainsi de la « créolisation » (multiplication libre de « grumeaux » baignant dans un monde liquide) à l’assimilation autoritaire. En termes d’efficience, une telle réalité dans l’offre politique globale laisse perplexe. La gauche devenue bloquée dans ses projets d’émancipation par l’économique et le social, ne peut - par sa volonté de poursuivre l’émancipation par le sociétal - que brutaliser les valeurs traditionnelles du monde des immigrés. Sa difficile démonétisation ne peut que se poursuivre. Les progressistes sont très exactement dans le même registre. Reste, d’une part, la droite marginalisée par son incohérence et, d’autre part,  ce qu’on appelle l’extrême droite dont la cohérence la laisse encore sur un marché de niche, et ce même si cette dernière connait une forte croissance. La victoire simplement électorale de cette dernière entreprise politique suppose un renversement majeur dans les croyances et certitudes forgées depuis près d’un demi-siècle. Sa gestion du pouvoir est elle-même potentiellement difficile en raison de l’énormité des coûts d’opportunité des principes d’une cohérence rejetant largement l’idée d’émancipation. Ces coûts d’opportunités sont aussi largement expliqués par l’extraordinaire densité sociale évoquée dans notre précèdent article[3]. Retrouver - en s’éloignant du mondialisme -  des marges de manœuvres au niveau économique et social n’a rien d’évident, les coûts de la démondialisation n’étant pas évaluables à partir des modèles classiques et les gains par réindustrialisation dans un contexte de lutte pour le climat étant inconnus. Dans le même temps réviser le sociétal sur la base d’un projet réel d’assimilation se heurte au monde des immigrés et à celui des tenants de l’individu radicalement souverain et croyant encore à de nouveaux espaces de liberté.

En conclusion, L’étendard de l’émancipation est certes creux mais son abandon parait difficile. L’offre politique globale telle que présentée ci-dessus ne permet pas d’apporter de réelles solutions. Les émeutes à venir trouveront leur carburant dans l’ankylose des marchés politiques. Découvrir une articulation cohérente entre l’économique (lui-même articulé à un ordre géopolitique et climatique à explorer) et le sociétal, reste le défi de notre temps.

 


[1] http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/07/france-le-bel-avenir-des-emeutes.html

[2] http://www.crisedesannees2010.com/2023/06/l-archaisme-de-l-etat-russe-modele-d-avenir.html. Voir également : http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/06/la-dynamique-suicidaire-de-l-etat-russe.html

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/2023/07/france-le-bel-avenir-des-emeutes.html

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