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24 janvier 2017 2 24 /01 /janvier /2017 13:50

 

La politique économique du nouveau Président sera un chemin difficile pour parvenir à l’objectif de réindustrialisation avec comme conséquence attendue l’équilibre des comptes extérieurs du pays.

Le plan d’investissements au titre des infrastructures (1000 milliards de dollars) associé à la diminution des prélèvements fiscaux aura d’abord pour effet d’augmenter la demande interne avec une réponse tardive en matière d’offre. La raison en est que le vrai chômage massif qui se cache dans un taux d’activité anormalement faible, est logiquement long à résorber : remotivation pour le travail de ceux qui ont quitté les statistiques du chômage, requalification des travailleurs, etc. Il s’en suivra logiquement un accroissement du déséquilibre extérieur accompagnant celui des comptes publics ( 6 à 7 % du PIB). Il s’agit là du destin quasi-naturel des pays devenus sous industrialisés. Avec toutefois une exception de taille dans le cas américain, à savoir la conquête d’une indépendance énergétique par la relance de l’extraction des huiles de schiste devenues aujourd’hui rentables à moins de 45 dollars le baril.

La fin du libre-échange et l’apparition de barrières douanières notamment vis à vis de la Chine, de l’UE et du Mexique, n’entrainera pas un retour facile à l’équilibre en raison de conséquences sur les taux de change : chute du cours des devises des pays fournisseurs, hausse du dollar en raison de la hausse des taux d’intérêt américains initiée par une dette publique croissante. Une variation des taux qui viendra limiter l’effet-prix des taxes. Il n’est donc pas évident que le double mouvement des droits de douane et des taux de change affaisse les importations. Par contre la hausse du dollar, elle-même affectée par la possible politique de hausse des taux de la FED (La FED restera-t-elle indépendante ?) devrait affecter la compétitivité américaine au regard des exportations.

Même à moyen terme il est donc très difficile de dire que le retour à l’équilibre extérieur sera assuré. L’échec du Trumpisme, s’il devait se produire, serait bienvenu pour le reste du monde globalement- et parfois considérablement- excédentaire au regard des USA ( Le déficit US au regard de la chine représentait 2% du PIB américain en 2016, au regard de l’Allemagne, il est de 0,8%). Sachant que le déficit US est de 2,95% du PIB, il est facile d’imaginer l’effet boule de neige d’une telle contraction avec le reste du monde, notamment la Chine ( Excédent de 3,55 % de son PIB) et l’Allemagne ( 7,81% de son PIB, et plus précisément 2% de son PIB sur les seuls USA) qui ne pourraient en aucune façon redéployer leur mercantilisme sur les autres pays eux-mêmes touchés par le retour à l’équilibre américain. Pensons, par exemple, au Japon qui lui aussi dispose d’un lourd excédent sur les USA (0,4% du PIB américain) ou le Mexique qui assure 80% de ses exportations avec son voisin du Nord, soit plus de 25% du PIB de ce pays réellement très dépendant des USA.

Mais si le monde doit souhaiter un échec du nouveau Président, c’est aussi pour une autre raison, à savoir la raréfaction de cette liquidité internationale que reste le dollar. Rappelons que le dollar n’est devenue monnaie de réserve que dans la mesure où après le second conflit mondial il était la seule monnaie convertible - certes au seul niveau des banques centrales- en métal précieux, et monnaie assise sur la puissance incontestée des USA. Cette condition ne fut hélas pas suffisante, et il fallait au-delà permettre des transferts massifs de dollars sur le reste du monde pour assurer les débouchés d’une énorme machine économique construite en temps de guerre. Cette période fut celle du « dollar gap », période de pénurie de liquidité internationale compensée par des transferts dont aussi des dépenses militaires massives sur l’ensemble de la planète. Cette période devait s’achever au tout début des années 60 avec les premiers déficits extérieurs et l’apparition de « balances dollars » nourrissant la liquidité internationale, et période que l’on a désignée « dollar glut ». Depuis l’équilibre extérieur ne fût plus jamais réalisé, une réalité qui devait faire le nid de la mondialisation à venir.

Si donc, les USA devaient connaitre, sans aucune concertation, le retour à l’équilibre, c’est un monde plus cloisonné d’Etats-nations qui devrait émerger, et un monde relativement dépourvu en liquidité devant assurer un commerce international qui, sans doute plus réduit, resterait néanmoins considérable. Comme le retour à une monnaie de réserve nouvelle supposerait l’émergence d’une très grande puissance déficitaire, on ne voit pas quelle monnaie pourrait prendre la succession du dollar. De là à penser que derrière la nouvelle politique américaine il y a le retour du plan Keynes de Bretton-Woods avec son célèbre « Bancor », il y a un pas que l’on ne saurait aujourd’hui franchir.

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18 janvier 2017 3 18 /01 /janvier /2017 14:34

 

Le directeur de campagne du FN pense qu’après l’éventuelle victoire, tout le monde aura intérêt à coopérer pour une dissolution concertée de la zone euro. Une coopération qui serait issue d’un sommet européen organisé après l’élection présidentielle française. La question est pourtant autre : Comment gagner l’élection présidentielle alors même que les acteurs économiques, par le biais d’un tir de barrage d’une redoutable efficacité, déplaceront par millions des intentions de vote vers les candidats européistes ? Et ces acteurs sont nombreux : ménages, banques et autres acteurs financiers, entreprises,  agents qui réagiront très vite si le risque d’une victoire d’un candidat souverainiste devenait crédible…..et donc réaction complètement déstabilisatrice en pleine campagne électorale…

Les redoutables combattants, souvent involontaires, du front européiste

Les ménages, en particulier les épargnants, retourneront à leur profit l’éventuelle perte de change, en déplaçant leurs avoirs vers des banques implantées dans des espaces solidement arrimés à la zone euro. Ils seront ainsi acteurs d’une nouvelle crise du marché interbancaire.

Les banques, elles-mêmes, chercheront à se protéger en se débarrassant de dette publique en risque de dévalorisation, en restant absentes des rendez-vous fixés par l’Agence France Trésor au titre de l’émission des nombreuses tranches de dette prévues au titre de l’année 2017, et globalement en maximisant leurs actifs extérieurs susceptibles de leur apporter les gains d’une dévaluation prévisible. De quoi anéantir tout projet d’investissement sur le sol français. Et surtout de quoi développer une contagion planétaire de la crise financière. Les fonds de placement et d’investissements de même les hedges funds auront la même attitude et chercheront à se couvrir contre la même perspective de dévaluation. Toutes les places de la planète seront rassemblées pour briser toute espérance de réussite électorale.

Les entreprises sortiront leurs fonds des banques hexagonales, et maintiendront expatriées les fonds résultant de leurs activités internationales et en particulier celles liées à leurs exportations. Elles apporteront une pierre essentielle à l’embrasement de la planète.

Puissance du guide suprême : Le banquier central

Il n’est pas sûr que, face à un tel mouvement, la BCE mette en place les dispositifs dont elle a la charge, ceux par exemple garantissant le maintien de la liquidité bancaire, afin de calmer le jeu. Son intérêt spécifique est d’ailleurs inverse : tout faire pour que le barrage soit d’une telle puissance que l’accès d’un souverainiste à la Présidence de la République soit strictement interdit, par exemple en laissant, voire en développant, la panique pré-électorale. Pourquoi en effet le banquier central aurait une attitude suicidaire et organiserait son propre licenciement en effaçant, avec le dispositif « ELA » par exemple, les effets de la contagion ?

Face à cette formidable contrainte, les candidats souverainistes ou les partis souverainistes ont tout intérêt à tenter de briser le mur financier par un contre feu : engager une formidable bataille médiatique sur le quantitative easing et montrer qu’un autre achat de dette souveraine peut avoir des effets autrement efficients.

Briser le mur médiatique et financier en dévoilant au quotidien le pot aux roses du QE

Les candidats doivent orienter la campagne électorale sur cette question en revenant de façon détaillée sur le thème du contrôle de l’émission monétaire.

L’aisance quantitative est, pour l’essentiel, le fait d’acheter régulièrement de la dette souveraine détenue par les banques. Pour la présente année 2017, la BCE va acheter, approximativement, au système bancaire français une dette publique équivalente à la nouvelle dette émise par le Trésor. Comme cette nouvelle dette est achetée à 60% par des banques étrangères, cela signifie que les banques françaises sont inondées par la liquidité offerte par la BCE. Cette opération vise à relancer le crédit accordé par les banques, ce qui ne se matérialise pas par de nouveaux investissements. On dit que la base monétaire a augmenté, ce qui se matérialise par le gonflement du bilan de la banque centrale, mais que le crédit accordé aux agents économiques lui n’augmente pas. La liquidité sert ainsi à la spéculation sur des actifs existants, d’où l’inflation sur les titres en question. Cette « planche à billets » permet de soulager le poids de l’émission de dette publique nouvelle en maintenant le taux de l’intérêt à un niveau proche de zéro, mais elle ne réduit que marginalement les besoins d’endettement nouveau du Trésor, lequel doit régler ses échéances de dettes à la BCE. Il s’agit donc , du point de vue de la BCE, d’une procédure de soutien au système bancaire et non d’une procédure de soutien à l’intérêt général.

Expliquer au quotidien, et en préalable à tout débat, les mécanismes d’un « QE de l’intérêt

général »

Le soutien de la BCE à l’intérêt général passerait, lui, par l’achat de dette publique arrivée à échéance. Cet achat serait d’un montant à peu près équivalent à celui du QE (environ 190 milliards d’euros pour l’année 2017) mais faciliterait grandement le redressement du pays. Dans le QE, nous avons un achat de dette en cours, et donc il y a destruction de monnaie dès que le Trésor paie la dette parvenue à échéance. Dans ce nouveau circuit,  la BCE paie elle-même la dette parvenue à échéance. Il y a donc création monétaire nette.

Certes, la destruction de monnaie dans le QE est toujours sur-compensée par l’achat de nouvelle dette mais l’opération est en principe temporaire. Dans le cas de ce QE que nous pourrions qualifier « QE d’intérêt général », il y a création nette de monnaie. Et cette création nette a des conséquences très différentes car, ici, l’augmentation de la base monétaire est suivie d’une hausse assez mécanique de l’investissement et de l’activité.

En effet, le rachat de dette parvenue à échéance soulage immédiatement l’Etat qui peut, sans délai et sans même modifier le solde budgétaire initialement prévu, diminuer le poids des prélèvements publics obligatoires, ou aider directement les banques ou se lancer dans de lourds projets d’investissements. Quelle que soit le cocktail de solutions retenues, à solde budgétaire inchangé, il y a amélioration de la liquidité bancaire, soit directement par le Trésor (il effectue des investissements publics et abonde les comptes de ses fournisseurs) soit indirectement (ménages et entreprises bénéficient d’une baisse de dépenses fiscales). Globalement, les bilans bancaires gonflent avec pour contrepartie un élargissement de l’activité économique réelle. L’expression de « QE d’intérêt général » n’est pas illégitime.

Le système bancaire est ainsi consolidé de façon non artificielle (QE classique) et les banques retrouvent leur métier de base : celui d’effectuer des crédits à l’économie. Mais aussi tous les agents économiques bénéficiaires d’une diminution du poids des prélèvements publics obligatoires.

Affronter le système médiatique

Ce qui vient d’être exposé doit être largement explicité par tous les candidats souverainistes, lesquels doivent considérer qu’il s’agit d’une base indispensable sur laquelle des programmes variés peuvent être envisagés. Et cette explication doit être claire et imposée au système médiatique avant chaque rendez-vous avec tel ou tel journaliste…et ce en allant même jusqu’au renoncement en cas de refus par ces défenseurs de l’européisme que sont les journalistes.

Au-delà et afin de montrer le sérieux de la candidature, il serait très important que les candidats souverainistes expliquent avant chaque rendez-vous les mécanismes du tir de barrage financier et ses conséquences en matière démocratique. Un tel décodage, et un tel sérieux dans l’analyse prospective  -des prévisions qui, pour une fois, se vérifient- permettrait à tout le moins d’éroder la puissance du tir de barrage, un affaissement résultant d’une possible prise de conscience par les électeurs….

 

 

 

 

 

 

 

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16 janvier 2017 1 16 /01 /janvier /2017 14:11

 

Redressement de la France : Les moyens économiques et les fins sociétales

Les Objectifs fondamentaux

1 - Le but de l’action politique est sa contribution à la qualité du « vivre ensemble » dans la société.

2- Parmi les facteurs fondamentaux du bien vivre ensemble, il y a l’importance de la classe moyenne. Plus cette dernière est large et plus l’ensemble est apaisé : confiance entre agents, confiance en l’avenir, confiance et respect dans la démocratie, émancipation visible, etc. (Ce qui ne veut pas dire bien sûr que tout soit réglé).

3 - Le dirigeant politique doit donc se servir des outils de la puissance publique pour reconstruire une classe moyenne aujourd’hui en déshérence. (Cela concerne la France et au-delà l’ensemble de l’Occident, mais aussi ce qu’on appelle aujourd’hui l’impossible « moyennisation » dans les pays « émergés »).

4 - L’immense classe moyenne à reconstruire n’est pas celle d’hier. Celle-ci doit pouvoir ancrer ses nouvelles aspirations d’autonomie, d’inventivité et de dynamisme sur une sécurité sociale retrouvée.

Les moyens principaux

1 - Les outils de la puissance publique doivent être maitrisables ce qui passe par le retour de la pleine souveraineté, sans laquelle le « Démos » se trouve contesté et emprisonné.

2 - Considérant que la valeur travail - même revisitée par des aspirations nouvelles (autonomie, réalisation de soi, etc.) - reste l’instrument fondamental de la socialisation, la reconstruction d’une immense classe moyenne passe par le rétablissement d’un plein emploi productif de qualité, autorisant une croissance inclusive forte et la fin du déséquilibre extérieur.

3 - Dans une réalité qui confirme que le monde restera celui de la cohabitation concurrentielle entre Etats nations, l’arme monétaire est un outil indispensable au rétablissement du plein emploi : elle est un filtre entre un dedans maitrisable et un dehors à maitriser.

4 - Parce que la cohabitation entre Etats nations est fondamentalement concurrentielle, l’arme monétaire est aussi une arme de compétitivité. (Dénoncer le caractère catastrophique des actuelles dévaluations internes).

5 - La compétitivité porteuse du rétablissement des classes moyennes et du bien vivre ensemble passe aussi par des choix privilégiés en termes de branches d’activité : d’abord l’industrie, mais aussi l’agriculture, l’écologie, les technologies numériques. Les activités non porteuses de rendements potentiellement croissants (celles imaginées aux fins du soulagement du poids de la crise, non susceptibles de contribuer à l’équilibre extérieur) ne sont plus à privilégier.

6 - Le rétablissement de la souveraineté monétaire est d’abord un coût élevé pesant sur les classes moyennes dont on veut, pourtant, rétablir la place centrale. Le maintien de la confiance durant la difficile phase de reconstruction suppose donc la promptitude et la non-limitation des moyens de l’investissement.

7 - Cette non-limitation passe par la mise sous tutelle de l’ensemble des outils monétaires et financiers et, en particulier la fin de l’indépendance de la Banque de France.

8 - Une arme privilégiée de la non-limitation de l’investissement est le rachat de dette publique à échéance par la Banque de France.

Les moyens correspondants sont redistribués :

- aux banques chargées d’une mission de service public,

- aux agents économiques sous la forme d’une baisse des prélèvements publics obligatoires,

- à la puissance publique elle-même,

- aux éventuels litiges avec les victimes (non-résidents) de la perte de change.

9 - La mission de service public du système bancaire concerne notamment l’aide au rétablissement de l’équilibre extérieur : relocalisations, investissements substitutifs d’importations, agriculture de proximité privilégiant l’autosuffisance alimentaire, dé-carbonisation etc.

10 - Les moyens nouveaux de la puissance publique doivent privilégier l’avenir : formation, recherche, coopération interétatique - en particulier européenne- sur grands projets, investissements stratégiques, etc.

11 - La méthodologie du retour à la souveraineté monétaire passe par une habile négociation ne portant au départ que sur le questionnement du caractère non approprié de l’ordo-libéralisme allemand : la responsabilité de la fin de l’euro doit reposer sur l’Allemagne et non sur la France.

Conclusion : La fin du QE de l’actuelle BCE - qui augmente la base monétaire et non le crédit et donc l’investissement - et son remplacement par l’achat direct de dette publique participe à une véritable économie de l’offre rétablissant la confiance : l’aisance monétaire renoue avec le multiplicateur du crédit, lui-même encouragé par la baisse des prélèvements publics obligatoires. Parallèlement, les banques et en particulier, celles dites « Spécialistes en Valeurs du Trésors » (« SVT »), sont mécaniquement invitées à construire des produits financiers dont la contrepartie correspond à un investissement réel. (et non plus une dette publique dont la contrepartie est une dépense publique courante). Une croissance forte reconstructrice d’une classe moyenne large est ainsi enclenchée.

 

 

 

 

 

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8 janvier 2017 7 08 /01 /janvier /2017 10:39

5 06 /11 /novembre/2015 14:09

 

Vus les silences de certains, et les hésitations des autres, force est de constater qu' il est impensable d’imaginer de gagner l'élection présidentielle sur la base d’une proposition de sortie de l’euro.

Se séparer de l’euro comme nouvel Avatar des Lumières serait un désastre électoral

Tout ce que nous avons imaginé sur la pédagogie et finalement la lutte contre la « religion officielle » reste trop peu crédible. La raison ne peut l’emporter sur les émotions et le mensonge facile ne peut que triompher sur une raison aussi bien abstraite qu’abrupte. C’est dire que la panique (prétendument  régulée par l’utilisation de l’article 16 de la Constitution que nous avons souvent évoqué) verrait, dans la rigueur de cet outil, le motif majeur du rejet du parti osant proposer de telles solutions.

Si l’article 16 a pu être un authentique vecteur de résistance démocratique en 1961 lors du putsch des généraux d’Alger, comment expliquer qu’il pourrait être utilisé aujourd’hui alors que nulle liberté formelle n’est menacée ?

Comment expliquer que son utilisation à l’inverse de celle de 1961 n’aboutirait pas à moins de liberté ? Comment expliquer qu’il faut instaurer un contrôle des changes, alors que l’euro est quasi universellement perçu comme une nouvelle liberté ? C’est qu’il est très difficile de démontrer que la fin de la croissance, la dette, la nouvelle difficulté de faire société avec la dislocation des classes moyennes, etc. sont conséquences logiques de la monnaie unique….et tellement plus facile de constater concrètement que l’euro simplifie la vie et élargit l’éventail des possibles.

L’euro n’est donc pas une contrainte, une souffrance qui en ferait un bourreau, mais un droit fondamental, un objet rendant plus universel l’idée de « liberté frappée » donnée aux monnaies particulières de jadis.

Il faut donc introduire dans le programme des élections présidentielles une toute autre approche qui, pour autant, devra s’ancrer sur la nécessité d’un dépassement lui-même forgé dans la rigueur et l’honnêteté intellectuelle.

Et de ce point de vue, cette autre approche, devra reprendre nos développements sur l’idée d’une impossible réforme de l’euro, en particulier l’impossibilité d’imposer les nécessaires transferts entre nations excédentaires et nations déficitaires[1].

Le contournement des transferts interdits

C’est dire que toutes les explications -auprès des électeurs - de l’impossible fonctionnement de l’euro-zone restent essentielles, mais qu’à l’inverse, au lieu d’en conclure qu’il faut mettre fin au dispositif, il faut au contraire trouver une solution permettant l’équivalent d’un transfert….qui toutefois n’en serait pas un réellement…. S’il y avait transfert – l’équivalent de 15 plans Marshall avions nous annoncé[2]- la question de l’euro ne se poserait pas et, à terme, un retour à l’équilibre à l’intérieur de la zone serait pensable. Ce transfert, payé par quasiment la seule Allemagne est bien évidemment impossible, mais est-il possible de lui découvrir un substitut plus acceptable pour cette même Allemagne ?

La réponse est affirmative et consiste à dire qu’il peut être créé - de par la BCE et les banques centrales de l’euro-zone- de la « monnaie sans dette » pour un montant équivalent à ce qui serait exigé pour le rétablissement de l’équilibre et donc une réelle convergence entre Etats de la zone.

Proposer une création monétaire massive ne reposant sur aucun actif serait bien davantage que du QE, lequel n’est que du rachat de titres orienté autour du sauvetage des banques et des Etats. Parce que simple échange de monnaie contre titres, le QE est amortissable, même si dans les faits, il est probable que certains titres soient de nulle valeur . A l’inverse, une création monétaire non appuyée sur des titres, revient à une quasi-subvention au profit des Etats déficitaires. Son idée est relativement ancienne et fait suite à l’image « du déversement de monnaie par hélicoptère » de Milton Friedman et Ben Bernanke, ce qui est devenu dans la littérature l’ « Helicopter Money ».

Concrètement, la communication des candidats souverainistes à l’élection de 2017 reposerait sur la refonte du système européen de banques centrales. Une refonte pouvant se borner à la possibilité offerte, aux banques centrales nationales des pays déficitaires, d’émettre de la monnaie au profit d’investissements ayant vocation à assurer la convergence, et donc assurer que le taux de change de 1 contre 1, qui est celui de la monnaie unique, devienne réaliste. Sur le plan communicationnel il y a bien un projet positif : l’euro est une construction maladroite mais il est possible de réparer et de maintenir l’ouverture et les libertés qu’il était censé apporter.

Gagner des voix par la mise à mort de l’ordo libéralisme[3].

Une telle proposition va bien sûr à l’encontre de la « religion » et naturellement de l’Allemagne. On peut citer en vrac tous les arguments qui vont la contester :

- Les traités interdisent le financement direct des Etats ;

- Il est impossible d’émettre de la monnaie sans actif correspondant ;

- Il n’est pas concevable d’avoir des banques centrales avec fonds propres négatifs ;

- Il faudrait recapitaliser les banques centrales et en particulier la BCE, or l’Allemagne n’acceptera pas de payer ;

- La dette publique est une matière première fondamentale pour la finance et l’épargne ;

- etc...

Au-delà, d’autres arguments seraient évoqués :

- « l’Helicopter Money » ne peut que signifier une hausse généralisée des prix ;

- le non amortissement, donc le non remboursement fait disparaitre tous les coûts d’opportunité et garantit l’inefficience généralisée dans le choix des projets ;

- les Etats déficitaires ne reçoivent aucune incitation permettant l’alignement progressif sur les Etats du nord de la zone.

- La concurrence « libre et non faussée » est détruite par une monétisation pouvant toucher sélectivement les entreprises ;

- Le principe général de l’argent-dette est malmené et le système bancaire peut être marginalisé par un capitalisme d’Etat ;

- Etc.

Cette avalanche d’arguments peut évidemment être évoquée, expliquée et surtout tenue en échec par, une fois encore, le retour à la raison : « l’helicopter money » était d’un usage fort banal au XX ième siècle ; il n’existe aucune exigence de passif sur les banques centrales, et donc l’argument de recapitalisation n’a aucun sens ; « l’Helicopter money" doit se transformer impérativement en production, plus particulièrement en investissements générateurs de croissance et donc en alignement progressif sur l’Europe du nord. Etc.

Bien davantage encore, un grand souci de pédagogie permettra, par comparaison, de montrer qu’un « helicopter money » est autrement efficient que les QE d’aujourd’hui, lesquels aboutissent :

- à une distorsion des prix des actifs (les banques centrales n’achètent que des actifs peu risqués et laissent sur le marché les primes de risques) ;

- à un accroissement considérable de la liquidité engendrant bulles et volatilité croissante ;

- à une non descente de cette liquidité vers l’investissement productif.

Gagner des voix en mettant l’Allemagne au pied du mur

Par contre, ce qui dans ces explications - les plus simples et les plus pédagogiques possibles - ne pourra pas être contesté est l’opposition radicale de l’Allemagne. D’où des propos extrêmement clairs qu’il faudra savoir tenir et qui, cette fois, ne seront pas pénalisants électoralement : si l’Allemagne s’oppose à ce qui permettrait un fonctionnement harmonieux de la zone, alors nous nous dirigerons vers son démantèlement. Il s’agit de mettre l’Allemagne au pied du mur et de montrer que dans cette hypothèse, elle est – et elle seule - responsable d’un éventuel futur désastre aux conséquences planétaires.

Résumons les propositions susceptibles d’entrainer une adhésion :

1) Parce que l’euro réduit considérablement l’éventail des choix et qu’il conteste la démocratie, Il n’est pas aujourd’hui possible de construire un programme politique sérieux et honnête sans évoquer la question de l’euro.

2) Parce que des trésors de pédagogie n’arriveront pas à contester son visage de nouvel « Avatar des Lumières », il est suicidaire de proposer aux électeurs sa mise à l’index et son démantèlement.

3) Le chemin du succès électoral dans l’honnêteté, consiste donc à élaborer une stratégie respectant les croyances populaires, tout en détruisant l’ordo libéralisme allemand qui préside à sa construction et à son ancrage dans la durée.

4) Les transferts impossibles, parce que bloqués par l’ordo libéralisme, sont activés par un moyen détourné : la fin de l’indépendance des banques centrales désormais chargées de monétiser les déficits des Nations du sud de la zone.

4) L’Accord de monétisation proposé dans le programme prévoit des conditions qualitatives à détailler et à réglementer, mais qui surtout ne concernent que les seuls investissements réels susceptibles de rétablir les équilibres dans le respect de la contrainte écologique, essentiellement l’agriculture , l’industrie,  et le numérique.

5) S’agissant de la France, pays qui est le seul à supporter des dépenses militaires au bénéfice de toute l’Europe, l’accord proposé prévoit une monétisation exceptionnelle dans les industries de la défense.

5) Ce même accord prévoit des clauses quantitatives (par exemple combinant poids du PIB et déséquilibres, avec bien sûr monétisation interdite pour le nord) inscrites dans la durée : la monétisation cesse lorsque le taux de change intra-zone de 1 contre 1 devient crédible.

6) Le refus potentiel de l’Allemagne renverse le paysage électoral : ce n’est pas la France qui veut quitter l’Euro mais l’Allemagne qui ne supporte pas le changement institutionnel.

7) Le chemin proposé concernant la question de l’Euro doit être expliqué dans ses détails. Il suppose pour cela de former un grand nombre de personnes susceptibles d’exposer clairement la problématique et de répondre dans un souci de grande honnêteté aux questions des électeurs.

 


[1] Quelques textes du blog permettent de bien comprendre notre demarche générale :

http://www.lacrisedesannees2010.com/2015/07/le-monstre-euro-explique-aux-citoyens-qui-veulent-comprendre.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/article-le-big-bang-de-la-fin-de-l-eurozone-et-l-univers-financier-dans-le-monde-d-apres-116367504.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/2015/02/vous-avez-dit-faillite-des-banques-centrales-nationales.html

http://www.lacrisedesannees2010.com/article-pour-une-revolution-du-systeme-monetaire-101497488.html

 

[2] Cf : http://www.lacrisedesannees2010.com/2015/10/front-national-comment-proposer-la-fin-de-l-euro-sans-perdre-les-elections-1.html

 

[3]http://www.lacrisedesannees2010.com/article-independance-des-banques-centrales-et-paradigmes-culturels-117604632.html

 

 

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5 janvier 2017 4 05 /01 /janvier /2017 10:36

 

Le billet suivant est rédigé par Henri Temple Professeur à la faculté de droit de Montpellier. Juriste réputé et avocat spécialisé dans le Droit économique international, il a écrit de nombreux ouvrages dont le plus récent : « Théorie Générale de la nation » (l’Harmattan, 2014) fut préfacé par notre collègue Gérard Lafay et intéresse particulièrement le Blog.

Je remercie mon ami JCW de m'avoir exceptionnellement ouvert une page dans son blog que je lis depuis les origines. Toujours en adhérant aux idées et aux critiques. Le logicien et le juriste que je suis vont conforter et aggraver le jugement qui est le sien. Car face à l'oligarchie toute puissante nous ne serons de trop, à apporter les munitions, qui sont propres à chacun d'entre nous, à ce combat. Le combat de la survie française. Et, plus généralement, pour l'humanisme.

Impossible disparition de l'euro, nous affirme M. Artus.


En réalité c'est plutôt de son impossible survie qu'il s'agit. Car l'euro n'est pas une monnaie mais un artefact monétaire: il ne répond pas, en effet, à la définition unanimement acceptée de ce qu'est une monnaie (notamment, il échappe au contrôle de la nation dont il est cependant censé être adapté aux réalités et aux nécessités).
Certes l'autodestruction, inévitable à terme, de l'euro fera apparaître des difficultés transitoires. Comme celles des dettes souveraines ou privées. Mais ces difficultés ne seront pas plus graves que celles que vit l'actuel euro qui, ruinant les économies, les ménages et les banques (notamment au sud de l'Europe), amène les gouvernements et la BCE à déverser, en pure perte, des milliards d'euros dans ce puits sans fond.
Quant à la dette (2200 milliards d'euros, 4 fois le budget de l'état),à tort qualifiée de "souveraine «-alors qu'elle est la négation de la souveraineté- il suffira de l'abolir. Par un acte, lui, véritablement
souverain. Ou, à tout le moins d'en abroger les intérêts (45 milliards par an). En effet cette dette est illégitime, jamais consentie par le peuple souverain ; et elle enrichit les oisifs et les riches, et appauvrit le travail et les plus pauvres (Montesquieu).Le Royaume Uni, le Danemark, la Suède, la Suisse, ne vivent-il pas(mieux) sans l'euro ?

La non substituabilité des importations par des production nationales.


En résumé il serait impossible de renoncer à la douce drogue du made in China. Mais n'est-ce pas là la façon -ma foi bien prospère- dont vivait la France d'avant le Traités de Maastricht et de Marrakech
(OMC) ? Et avant la fin de l'accord (GATT) multi-fibres par exemple ?Certes, à présent, des filières complètes ont disparu du sol national, soit qu'elles aient été délocalisées, soit même anéanties.
Mais la France a su, plusieurs fois dans son histoire, surmonter ce stress industriel : notamment à la fin de XVIIe siècle (Colbert), et en 1945 (de Gaulle).
En outre, trois taxes de bon sens économique et environnemental pourraient mettre fin à cette soumission au Cheval de Troie des importations :
- une taxe carbone sur des produits venant de très loin,
- une taxe sur les productions déloyales. Les facteurs de déloyauté sont connus : dumping, basse qualité, conditions de production contraires à l'environnement, aux droits sociaux, aux libertés
publiques...
- la TVA sociale qui a si bien réussi au Danemark et à l’Allemagne (Schröder), mais que Borloo avait été incapable de défendre face à Fabius (de mauvaise foi), lors d'un face à face de triste mémoire, et
pour cela abandonnée par Sarkozy. On ajoutera que, à ce jour, entre deux entreprises françaises, il est interdit (et puni) de vendre "à un prix abusivement bas". Ce PAB est calculé en fonction des coûts de production. Pourquoi devrait-on, accepter des firmes chinoises ce que l'on réprime des firmes
françaises ? Il suffirait d’appliquer aux produits chinois les coûts français les plus bas et de taxer l'excédent. Il en va de notre survie collective ( instinct légitime de conservation) et D.Trump semble bien décidé à en découdre : suivons son brise-glace...

Proche de la précédente ''vérité'' la prétendue impossibilité (pour
une économie nationale) de satisfaire la demande
.

Comme l'assène à juste titre JCW, l'euro, en détruisant la compétitivité de nos usines, a déstructuré le tissu industriel, et il est donc responsable de la faiblesse relative de l'offre au sein de l'Europe. De plus le choix n'est pas entre le tout et le rien. Aucun économiste sensé ne refuse l'idée d'importation ou ne prône l'autarcie.
Mais si importation il doit y avoir ce doit être aux conditions loyales du marché domestique et les prix, s'ils sont inférieurs, ne doivent l'être que dans des proportions telles que les produits locaux
ne seront pas exclus du marché. Des taxes effectueront l'adaptation. Taxes à l'export du pays émetteur ; ou taxes à la frontière de la nation importatrice.

Pour conclure : évidemment d'accord avec JCW sur l'idée de réappropriation de la souveraineté.

Qu'il me permette de suggérer un prolongement de sa pensée. Pourquoi la souveraineté ? Parce que la philosophie politique prime sur tout: mais qui donc veut empêcher -et pourquoi ?- les peuples de choisir leurs règles économiques et sociales ? Le contrat social et -au plan international- les contrats
bilatéraux de commerce seront amenés à remplacer les ''usines à gaz" institutionnelles (ALENA, UE, Trans pacifique, TAFTA...) en train d'exploser sous nos yeux. Car les nations réclament désormais de
recouvrer leurs libertés.
Vive la planète multipolaire passionnante qui vient au monde en 2017 !

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27 décembre 2016 2 27 /12 /décembre /2016 13:23

 

Dans un article des Echos du 27 décembre dernier Patrick Artus évoque 4 vérités économiques dont tous les programmes de politique économique, en particulier ceux dits populistes, devraient tenir compte. Ces 4 vérités sont l’impossibilité de sortir de l’euro, la non substituabilité des importations par des productions domestiques, la difficulté des appareils productifs à répondre à une hausse de la demande, et une austérité qui ne correspond pas à la réalité.

L’impossible disparition de l’Euro

L’impossible sortie de l’euro se ramène à nier l’Histoire humaine qui, de tout temps, édifie des institutions pour ensuite les voir s’étioler et disparaitre. L’euro est une institution humaine qui comme toutes les autres disparaitra un jour. Toutefois, au-delà de cette maladresse dans l’affirmation, il existe chez Artus un argument de fond, à savoir l’importance de la dette au bénéfice de non- résidents qui s’accroitrait avec la dévaluation et ce, au détriment de l’Etat, des entreprises et des banques. Le raisonnement est bien sûr biaisé par l’importance des actifs en compensation des passifs, mais surtout par le fait que le retour à la souveraineté monétaire passerait par une monétisation massive soucieuse de respecter tous les contrats et de ne nuire à aucun acteur[1]. Nous venons du reste d’avoir une petite idée de ce que signifie le respect des contrats en observant ce que vient de décider le parlement italien : en apportant 20 milliards d’euros aux banques incapables de faire face aux légitimes demandes de remboursements des petits créanciers, 20 milliards que l’Etat italien ne possède pas. Par ce geste, Il est implicitement décidé de respecter les engagements bancaires et ce quelle que soit la situation. Bien évidemment il n’y a pas encore monétisation puisque l’Italie reste dans la zone euro. Mais un départ faciliterait les choses et l’institut d’émission et non l’Etat serait mis à contribution pour une hauteur qui ne souffre aucune limite.

La non substituabilité des importations par des productions domestiques.

Patrick Artus a parfaitement raison d’affirmer que la monnaie unique a entrainé un allongement des chaines de la valeur. D’où des élasticités/prix proches de zéro pour les importations comme pour les exportations. Cela signifie simplement que les premiers temps de la fin de l’euro seront une période difficile. Par contre, à moyen terme, il n’est pas pensable que, face à une augmentation considérable du prix des intrants et à une compétitivité élevée des productions domestiques, il n’y ait pas une redéfinition des chaines de la valeur. L’insensibilité aux prix est une donnée qui ne tient pas sur le moyen terme. Rappelons que cette redéfinition peut aussi être accompagnée par une politique industrielle, mais qui, elle aussi, pourrait être longue à mettre en place tant les experts en la matière sont devenus espèce rare dans les appareils d’Etat.

L’impossible réponse de l’offre à une demande accrue.

Là aussi, Patrick Artus a raison de souligner que la hausse de la demande se solde par une hausse des importations et ce dans de considérables proportions. L’expérience du début de l’année 2016 est à cet égard révélateur : la hausse du pouvoir d’achat français résultant de la baise conjuguée du prix du pétrole, de l’euro et des taux de l’intérêt s’est soldée par une fuite vers les importations au rythme de 80 centimes par euro supplémentaire. Mais là encore il n’en tire pas les conclusions selon lesquelles, c’est l’euro qui a détruit la compétitivité de la France. Lorsque la souveraineté monétaire existe la compétitivité peut en toute circonstance être maintenue ce qui passe aussi par des investissements porteurs de gains de productivité. Aujourd’hui l’investissement n’est pas justifié en raison du mur de la sous compétitivité qui s’est construit tout au long de l’existence d’une monnaie unique dont le taux de change était complètement inadapté et le sera encore davantage tous les jours.

L’absence d’austérité.

L’argument selon lequel d’une part la politique monétaire de la BCE est ultra expansionniste et d’autre part la Commission européenne est laxiste au regard des politiques budgétaires ne tient pas. Les pays du sud sont en situation de sous- investissement public et privé majeur. Ce que refuse de voir Patrick Artus est le creusement de l’hétérogénéité croissante entre les pays du Nord et ceux du sud, avec globalement un excédent extérieur de plus de 3 points de PIB qui fait que globalement la zone se devrait d’envisager une politique d’expansion, une politique interdite en raison de l’architecture retenue pour la construire. Jamais l’Allemagne ne pourra accepter les nécessaires transferts vers le sud.

Au total oui il existe des vérités économiques, mais ces dernières apparaissent dans un cadre construit complètement inadapté. Et la vraie question des programmes politiques est celle du changement de cadre, lequel doit avoir pour base la réappropriation de la souveraineté.

 

[1] Nous avons déjà longuement abordé cette question dans plusieurs articles et sur le blog. Cf notamment : http://www.lacrisedesannees2010.com/article-les-conditions-d-un-demantelement-reussi-de-la-zone-euro-92063917.html

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23 décembre 2016 5 23 /12 /décembre /2016 10:11

 

Henri Guaino utilise abondamment les matières premières de son excellent ouvrage[1] pour critiquer le programme de François Fillon dans le monde du 21 Décembre 2016[2].

Cherchant à en souligner les défauts récessionnistes que nous avons-nous-mêmes mis en évidence[3], il se livre à quelques comparaisons historiques intéressantes notamment le plan Laval de 1935. Le contexte des années 30 est certes différent de celui d’aujourd’hui. Il existe toutefois des points de rapprochement tels que la compétitivité et le déficit budgétaire. Ainsi la France se trouve- t-elle exposée dans le contexte de la crise planétaire à une question d’équilibre extérieur aussi aggravée par les fortes dévaluations de la Livre en 1931 et du dollar en 1933. Une situation qui, dans un environnement de baisse du PIB de 10% entre 1929 et 1935, fera passer les exportations de 15 à seulement 6 points de PIB entre 1929 et 1935. Autre point de rapprochement, la question du déficit budgétaire qui représente environ 5 point de PIB en 1932[4].

A l’époque, le système monétaire est encore celui du « bloc-or » et le Franc est évidemment attaqué en raison de la compétitivité trop faible et surtout un déficit budgétaire menaçant, de par son poids, le système financier. Le raisonnement est simple : si le Trésor fait appel trop lourdement au marché financier, dans un contexte où l’épargne se dirige plus volontiers vers la terre et la pierre, le risque de taux se manifeste. Pour les fonctionnaires du « Mouvement Général des Fonds » (le Bercy de l’époque) et déjà Jacques Rueff, la solution passait par l’austérité et donc la tentative d’une politique déflationniste permettant une baisse du niveau général des prix. Une telle baisse serait de nature à rétablir la compétitivité. Cette déflation passait bien sûr par une diminution de la dépense publique.

Dans le cadre d’un panel de décrets-lois qui va se développer par un premier ensemble de 29 textes publiés le 14 juillet 1935, la totalité des services de l’Etat réduit son flux de dépenses de 10%, et ceci quelle que soit la nature de la dépense. En particulier le service de la dette est lui-même concerné et donc la rente sur titres publics est écrémée de 10%. Compte tenu du poids de l’Etat à cette époque, cette baisse représentait environ 2 points de PIB, soit un choc plus important que celui prévu dans le programme Fillon[5].Ultérieurement d’autres textes interviendront (près de 400 au total) pour obtenir une baisse générale de tous les prix y compris celui des loyers. Chaque prix ayant pour contrepartie un revenu, on comprend la puissance de l’effet déflationniste, et donc en principe récessionniste, comme nous l’avons déjà montré dans le blog. Et à priori, une puissance austéritaire beaucoup plus importante que celle prévue par le plan Fillon qui, lui, ne peut  dans le cadre de la réglementation européenne intervenir sur l’ensemble des prix de marché. En revanche, nous n’avons aucune idée de la valeur du multiplicateur budgétaire de l’époque[6].

Outre qu’il soit techniquement difficile d’effectuer des comparaisons, le travail doit s’arrêter sur le paysage monétaire complètement différent entre la France des années 30 et celle d’aujourd’hui.

De fait, la déflation Laval est devenue dans la réalité concrète une « inflation Laval » car loin de voir les dépenses publiques se réduire, ces dernières se sont accrues malgré les décrets-lois. Bien sûr il était logique de constater qu’un déficit budgétaire nouveau se manifeste par le biais de moins -values sur recettes : les décrets portant sur les prix ont eu des effets revenus source de réduction des assiettes fiscales. Par contre et sans doute assez curieusement les dépenses, mal évaluées vont augmenter sur un certain nombre de postes très lourds dont celles liées à l’interventionnisme en matière agricole, aux travaux civils engagés et plus encore l’abondement du « Fonds spécial d’outillage et d’armement » de l’époque. Cet alourdissement de la dette fût très largement monétisé. Une monétisation d’abord directe, avec l’achat de bons du trésor par la banque de France, mais aussi de façon plus indirecte en plaçant en position intermédiaire ces acteurs dévoués qu’étaient les banques de second degré et la Caisse de Dépôts et Consignation. Très clairement les bons achetés étaient escomptables dans un délai de trente jours directement auprès de la Banque de France. Des outils bien commodes qui vont faire naitre ce qu’on a appelé la « croissance paradoxale ». Bien évidemment la compétitivité n’était guère rétablie et il appartiendra au Front Populaire, l’année suivante, de tenter le retour à la compétitivité par un franche dévaluation, d’abord en octobre (35%) puis en décembre (25%).

Monsieur Fillon peut tenter une austérité Laval telle qu’enseignée dans les universités. Hélas il ne fera qu’imposer de nouveaux malheurs au pays car, Président de la République, il restera complètement sous équipé en matière de souveraineté monétaire. L’étau de l’euro se refermera sur lui et le pays.

 

 


 

[1] « En finir avec l’économie du sacrifice », Odile Jacob, 2016.

[2] « Non,M.Fillon, l’austérité n’est pas la solution » , Feuillet « Débats et analyses », page 23.

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/12/programme-fillon-une-economie-de-l-offre-embourbee-dans-l-euro.html

[4] Nous extrayons ces chiffres et ceux de la suite du présent texte de la thèse de Michel Margairaz : « L’Etat, les finances et l’économie, Histoire d’une conversion 1932-1952 », thèse publiée par l’Institut de la gestion publique et du développement en 1991.

[5] Moins de 1 point de PIB, mais répété tout au long du sptennat.

[6] Rappelons qu’il est estimé à environ 2,6 pour la France d’aujourd’hui. (Cf article déjà cité sur le blog).

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10 décembre 2016 6 10 /12 /décembre /2016 13:54

    

But ultime de tout programme républicain : porter au plus haut les valeurs de responsabilité, de solidarité, de tolérance et de confiance dans la fierté d’appartenir à une grande nation ouverte sur le monde.

Remontée de la chaine des moyens adaptés à la finalité :

Moyens de niveau 1 :

* Restaurer la liberté de choix des citoyens à l’intérieur du cadre républicain

* Reprendre le travail de construction d’une classe moyenne très large.

Moyens de niveau 2 :

* Proposer une conférence refondatrice de l’Europe avec comme objectifs de forger les moyens de niveau 1 en particulier le respect des identités nationales et de souveraineté, mais aussi des ambitions en termes de sens donné à l’Europe et aux peuples qui la composent.

Moyens de niveau 3 :

* Construire des relations économiques internationales qui interdisent le développement illimité des inégalités à l’intérieur des nations et entre nations.

Moyens de niveau 4 :

* Rétablir les souverainetés monétaires à l’intérieur d’un cadre coopératif visant à l’équilibre extérieur de chaque nation.

 * Assurer la correspondance entre le nombre des emplois et les effectifs de la population active.

  * Redéfinir et rééquilibrer   les rapports salariés/manageurs/actionnaires

Moyens de niveau 5 :  

  *  Définir un projet industriel et agricole pour le pays en accord avec ses atouts (Créativité/capacités scientifiques/technologiques/managériales) et ses contraintes (vieillissement/moyens limités/immensité du territoire à valoriser et à protéger).                  

  *  Rétablissement des gains de productivité et de la croissance potentielle.

Moyens de niveau 6 :   

  * Rétablissement d’une grande capacité d’investissement qualitatif et quantitatif dans la formation et la Recherche publique et privée.

   * Augmentation considérable de la productivité de l’Etat par redéfinition de son    périmètre, de sa centralité et de ses moyens d’action.

Moyens de niveau 7 :   

  * Etablir une politique budgétaire sans baisse de la dépense sociale frappant les couches moyennes ou défavorisées.

  * Eviter les effets dépressifs de la diminution  de la dépense publique.

* Diminuer considérablement la pression fiscale sur les entreprises et les              

ménages et bénéficier de ses effets d’expansion sur la demande globale.

Moyens de niveau 8 : 

  * Fin de l’indépendance de la Banque de France et réquisition au profit du Trésor et des entreprises.            

   * Réquisition de l’ensemble du système financier avec fin de la libre circulation du capital.

    *  Contenir la financiarisation des activités humaines dans d’étroites limites

     *  Utilisation massive de la monétisation pour des investissements eux-mêmes massifs dans la       reconstruction des grandes infrastructures (Energie/Transport/Armée/Transition écologique).

    *  Utilisation massive de la monétisation pour un Crédit National au profit des   entreprises notamment    dans la relocalisation et la réduction de la longueur des chaines de la valeur.

    *  Diminution de l’activité normative, de la présence de l’Etat dans le capital des     entreprises, et  éloignement  du souci de politique industrielle au profit d’une veille sur la gestion des externalités.

 

 

 

              

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5 décembre 2016 1 05 /12 /décembre /2016 16:49

Le contexte général de la mise en œuvre du programme.

Au-delà du chômage de masse, la dette publique ne cesse d’augmenter pour atteindre 97% du PIB l’an prochain. Il s’agit au surplus d’une mauvaise dette chargée essentiellement d’alimenter la consommation au détriment de l’investissement. Cette dette - de maturité moyenne (7 années et 128 jours)  et toujours détenue à 60% par des non- résidents-  porte le risque d’une remontée des taux. Ce scénario semble se mettre en place pour diverses raisons : élections américaines, hausse du prix du pétrole, questionnement sur l’efficacité des QE, risques italiens, etc. Ce scénario affecte déjà le porte-feuilles d’actifs de certaines institutions financières. Aujourd’hui la croissance nominale est faiblement supérieure au taux de l’intérêt, mais le déficit public n’a toujours pas rejoint le point (2% du PIB) permettant la stabilisation de la dette.

La croissance potentielle (1,2% selon l’OCDE) reste faible aussi en raison d’un contexte mondial de ralentissement des gains de productivité. Il faut également noter la fin de la croissance du commerce international avec un début de rétrécissement des chaines de la valeur. L’étroitesse de la croissance mondiale - mal nourrie par la faiblesse des gains de productivité - renforce des stratégies planétaires  non coopératives centrées sur des dévaluations internes (salaires, fiscalité) ou externes (début de guerre des taux de change, début de protectionnisme dans un contexte de difficile substituabilité entre production domestique et importations) . Dans ce cadre, la France reste mal placée avec une balance commerciale extrêmement déficitaire résultant pour partie de la gamme moyenne de ses produits et services exportables. De fait,  le pays est confronté au haut de gamme allemand mais aussi aux productions espagnoles favorisées par la stratégie de dévaluation interne du pays. Le déséquilibre extérieur de la France est d’abord un déséquilibre avec ses partenaires de la zone euro.

Côté humain, les inégalités générationnelles et spatiales ne font que s’accroitre avec confirmation de ce que Chauvel[1] appelle la spirale du déclassement : mobilité descendante, écrasement du pouvoir d’achat des salaires relativement aux prix de l’immobilier, paupérisation de nombreux surdiplômés etc. d’où un climat de grande frustration et de malaise dans les classes moyennes.

Les choix budgétaires du programme.

Compte tenu des choix budgétaires que l’on trouve dans le programme de François Fillon nous avons une baisse de la dépense publique associée à une baisse partielle de la fiscalité.

 La baisse de la dépense publique devrait s’effectuer au rythme annoncé de 20 milliards l’an . Cette baisse devrait se répartir comme suit : 33% pour l’Etat, 20% pour les collectivités territoriales, et environ 47% pour les administrations de sécurité sociale. Dans ce dernier cadre, il est prévu une baisse de la dépense sur les divers régimes de retraite, les soins médicaux et les allocations de chômage  devenues fortement régressives et plafonnées. Dans ce contexte il est difficile de repérer où se trouve affectée la part des réductions de dépenses (15 milliards d’euros ?) liées à la suppression de 500000 emplois dans la fonction publique.

Cette dépense publique plus faible alimentée par des gains de productivité (dont l’arme du passage aux 39 heures), des transferts plus limités et des reports de charge sur les ménages (essentiellement sur la santé), est compensée par des hausses de la dépense régalienne. Si le passage à 2% de PIB pour la défense n’est pas autrement précisé, il en est de même des nouvelles dépenses en faveur de la Justice et la gendarmerie. L’ensemble représenterait 12 milliards d’euros l’an.

Sauf erreur, la force récessive se monterait ainsi à 20- 12= 8 milliards d’euro l’an.

Côté prélèvements publics obligatoires, nous avons une baisse immédiate ( fin de l’année 2017) de 40 milliards de charges et impôts sur les entreprises. Certaines données restent imprécises mais l’IS serait ramené au taux de 25% .

Côté ménages ou salariés se trouvent également envisagés une disparition de l’ISF, une diminution de l’IRPP avec forte incitation à l’investissement en PME, et la disparition de la cotisation salariale maladie (5,5 milliards d’euros). En contre- partie une hausse de 2 points de la TVA est envisagée, soit environ 20 milliards d’euros.

Si l’on dresse un bilan nous avons pour l’année 2018 : une baisse de 8 milliards de la dépense et une baisse de la fiscalité de 40+ 10 – 20= 30 milliards d’euros.

S’agissant de la dépense et compte tenu du multiplicateur budgétaire estimé à 2,6[2], cela signifie un potentiel de recul du PIB d’environ 0,9% pour l’année 2018. De quoi faire quasiment disparaitre la croissance de l’année.

 La baisse des prélèvements fiscaux est assortie d’un multiplicateur plus faible estimé à O,4. Cela signifie, en estimant la baisse de la pression fiscale à 30 milliards en 2018, une croissance supplémentaire de 0,5% de PIB. Cet effet d’expansion cesse l’année suivante si l’économie de l’offre qui est le vrai espoir du projet ne s’épanouit pas concrètement au terme de cet important effort.

L’effet dépressif est ainsi plus élevé que l’effet d’expansion pour la première année de la mise en place du programme. Dans ces conditions l’objectif de 1,5% de croissance en 2018 prévue par le programme parait hors de portée, tandis que les objectifs plus lointains ( jusqu’à 2,3% en 2022) semblent se heurter à la chute des gains de productivité.

Pourquoi ces multiplicateurs, 2,6 pour la dépense publique et O,4 pour la baisse de la pression fiscale, sont-ils si contrariants ?

Inégalités sociales croissantes dans la dépression

Démontrons en premier lieu qu’une baisse de la dépense publique affectera plutôt les classes populaires et moyennes que les classes aisées.

On peut certes envisager, ce qui n’est pas prévu dans le programme, un accès plus difficile aux services publics pour les classes aisées, espérer que les revenus moindres qui en découleraient (il faut par exemple payer davantage pour se soigner) donneraient lieu à une baisse de l’épargne et donc à un effet relance compensant l’effet contraction, mais il s’agirait de montants relativement faibles et sans impacts macroéconomiques. Il est donc assuré qu’une diminution importante de la dépense publique frapperait essentiellement, directement ou indirectement, les classes moyennes et populaires.  Directement en s’attaquant aux dépenses sociales, par exemple la diminution de revenus de transferts (allocations au titre du chômage, retraites, RSA, logement, etc.) Tout cela est bien prévu dans le programme avec en particulier un massif report des soins sur les ménages (15 milliards d’euros selon la Mutualité française).

Pour ces couches sociales il n’est pas question de compenser la chute des revenus associés à la diminution de la dépense publique par une diminution de l’épargne, celle-ci étant trop faible. En contrepartie, une diminution du prélèvement fiscal n’affecte que fort peu ces mêmes couches sociales.

De tout ceci, il résulte que la diminution des dépenses publiques affecte massivement et rapidement le reste de l’économie : les acteurs de ces couches sociales moyennes et inférieures ne pouvant plus dépenser ce qu’ils n’ont plus. Dit très brutalement, la diminution des dépenses sociales est directement une mauvaise affaire pour les entreprises livrant des biens et services aux ménages. Elle peut même entrainer la disparition de celles d’entre-elles qui se situent dans des bassins où les revenus de substitution sont très importants, avec, par conséquent, aggravation de la situation dans les banlieues et ses risques politiques, ce qu’on appelle depuis la dernière élection américaine « les banlieues des métropoles mondialistes ». Plus concrètement encore il est des zones en France où la somme des prélèvements qui frappent les entreprisses est beaucoup plus faible que la partie du chiffre d’affaires acquise sur les dépenses elles-mêmes assises sur des revenus de transferts. Les entreprises de ces zones -essentiellement la Grande Distribution - sont nourries par la dépense publique. On comprend ainsi l’importance numérique et l’enjeu de ce multiplicateur contrariant.

Par contre, pour les couches sociales aisées si la diminution de la dépense publique est d’impact faible, la baisse de la pression fiscale connait un impact non négligeable sur le chiffre d’affaires des entreprises leur livrant des biens et des services. Avec toutefois un très fort amortissement de cet impact provoqué par une épargne supplémentaire et des importations plus élevées dans un contexte de compétitivité faible des entreprises. Cela signifie concrètement que la baisse de l’impôt est de faible rendement sur des ménages habitués à des consommations haut de gamme que le pays importe. D’où ce multiplicateur faible, fort contrariant.

On comprend ainsi mieux le poids de ces multiplicateurs annoncés plus haut avec globalement un effet dépressif très lourd et aussi des effets très mal répartis entre les différentes couches de la société et les espaces de vies correspondants : la fracture sociale ne peut que s’aggraver. Avec un mouvement auto entretenu : Parce que l’effet dépressif est puissant, on ne peut qu’accélérer le processus enclenché si l’on veut maintenir les objectifs, de quoi entrainer la ruine économique et sociale du pays avec ses conséquences politiques. Ajoutons que l’effet baisse de l’impôt en principe très favorable, ne joue qu’une fois (ce qui suppose un relais très rapide des entreprises dans les projets d’investissements) alors que l’effet baisse de la dépense est reconduit pour 5 années. Ce chemin, très difficile ne sera pas emprunté par le nouveau Président de la République.

Occulter l’avenir

Il est possible d’aller plus loin dans l’analyse.

Quand on veut diminuer la dépense publique de 20 milliards par an, on s’aperçoit vite que le chantier n’est guère aisé pour celles des dépenses liées aux rémunérations. Sauf à licencier sans indemnités des fonctionnaires, hypothèse peu réaliste et exclue du programme, la suppression de postes ne signifie pas  une diminution de la masse salariale distribuée. La raison en est simple : il faudra continuer à supporter le poids des retraites. Ne pas remplacer un fonctionnaire n’entraine une diminution de la dépense publique que par la mort, à attendre, de fonctionnaires retraités. La baisse de la masse salariale, sauf affrontement direct non inscrit dans le programme, ne peut aller plus vite que ce qui est autorisé par les « sorties naturelles » des fonctionnaires. Et de ce point de vue le programme qui envisage une économie de seulement 15 milliards sur 5 ans parait raisonnable.  Par contre sans relance de l’offre par le secteur privé, ce scénario est aussi 120000 emplois non crées en 2018 et donc une aggravation importante du chômage.

Sachant que les dépenses publiques sont massivement des rémunérations (environ 75% du total de la dépense) on comprendra  mieux que le respect de la règle de la diminution annuelle de 20 milliards de dépenses passe soit par la baisse des consommations intermédiaires des services publics produits (baisse du chauffage dans les ministères et autres bâtiments publics, baisse de la consommation de papier, de seringues dans les hôpitaux, etc.) , soit par la baisse de l’investissement public ( non renouvellement ou non-modernisation des infrastructures publiques, participation peu active à l’effort de recherche, etc. ), soit la baisse des transferts directs aux ménages et aux entreprises ( soins médicaux, retraites, RSA, CICE, etc.)

On comprend ainsi que le respect d’un tel programme de diminution des dépenses éclipsera largement le souci de l’avenir et frappera lourdement les services et transferts directs : soins, revenus de substitution. On comprend aussi que face à cette difficulté, des poches de dépenses publiques seront sanctuarisées (ensemble du secteur médico-social par exemple) au détriment de l’investissement public et donc de la construction de l’avenir. Qu’en sera-t-il de la branche énergie, des investissements dans la protection de l’environnement, etc. ?

Le difficile épanouissement d’une économie de l’offre pourtant à la base du programme.

Bien évidemment, il est possible de renverser le raisonnement et dire que la diminution des dépenses publiques n’est pas la volonté d’occulter l’avenir mais au contraire de le préparer en extirpant de la sphère publique les poches de sous-productivité et autres activités inutiles. En termes gestionnaires, il est d’ailleurs possible d’affirmer que si l’on ne peut aisément diminuer la masse salariale, on peut élever la productivité du travail direct (produire autant de services avec moins de fonctionnaires), par exemple en augmentant le temps de travail, en le réorganisant, en luttant contre l’absentéisme, en supprimant les compétences multiples, etc. Ce que le programme prévoit très correctement.

Globalement, un tel scénario serait satisfaisant si les emplois de fonctionnaires libérés par des gains de productivité dans la sphère publique devenaient emplois nouveaux plus productifs dans la sphère marchande. Au fond, le choix d’une diminution de la dépense publique serait aussi celui de faciliter voire impulser une meilleure affectation des ressources. Encore faut-il se poser la question de savoir si cette contraction de la dépense publique autorise l’épanouissement du marché conduisant à cette meilleure affectation, ce que semble suggérer le programme avec un taux de chômage ramené à 7 % en 2022. Or la réponse est loin d’être évidente puisque l’effet dépressif relativement lourd est d’abord une contraction de la demande globale, donc des marchés dont l’encombrement global ne peut être vaincu que sur la base de l’innovation (HUBER remplace les taxis), ou de gains de compétitivité acquis sur une productivité fausse (baisse des salaires), ou réelle (progrès technique). Le résultat global de cette tentative de passage à plus d’économie de l’offre est loin d’être évident.

Il résulte tout d’abord de l’orientation de contenu de ces nouvelles offres. Si la digitalisation est massive, cela pose le problème de la répartition mondiale des gains de productivité en corrélation avec le risque du « winner take all ». Si la compétitivité résulte uniquement des effets mécaniques de la baisse de la dépense publique (charges sur salaires favorables à l’échelle micro mais aggravant le déficit de demande globale), aucun gain de productivité n’est enregistré. Seul le progrès technique, par ses effets revenus, permettrait dans ce cas de figure un soulagement à la contraction de la demande globale. Or ce progrès technique, que l’on peut imaginer facilité par la nouvelle politique (aucune preuve ne peut être apportée), exige un temps long en contradiction avec le temps court de la machine dépressive.

Au total, si personne ne peut militer pour le maintien des poches de sous-productivité de la sphère étatique, il est évident que la stratégie générale proposée est douloureuse.

Un véritable programme de reconstruction passe par des moyens complémentaires. Parce qu’il est très difficile de libérer l’offre globale en déprimant la demande globale, il faut changer de paradigme et libérer massivement l’offre dans un contexte de demande garantie.

Bruxelles peut-il dans ce contexte apporter une solution ?

L’oubli de l’Europe.

Le programme Fillon est ici beaucoup plus discret. Evacuant toute volonté de renégocier les Traités, le volet Politique Industrielle de l’Europe n’existe pas vraiment et se contente d’exhortations sur le numérique, la médecine, les transports ou l’énergie, autant de branches dont on aimerait qu’elle se transforment en « nouveaux AIRBUS ». Les paragraphes consacrés aux normes et la volonté de ne pas accepter le projet de libre-échange avec les USA sont plus crédibles

Beaucoup de discrétion, voire d’erreurs concernent l’Euro.

Ainsi on parle d’un Euro qui deviendrait monnaie de réserve sans savoir que le statut de monnaie de réserve repose aussi sur des réalités qui sont loin d’exister en Europe : domination politique et militaire avec déficit extérieur constitutifs de balances euros.

On évoque aussi des souhaits ou utopies : création d’une direction politique de l’euro, avec un secrétariat général de la zone qui serait indépendante de la Commission ; coordination à imaginer avec la BCE en vue d’une stratégie économique globale ; mise en commun des dettes couronnant l’achèvement d’une convergence fiscale ; etc.

Il n’y a donc aucune prise de conscience de taux de change entre pays dont l’inadaptation s’aggrave avec le temps. On ne parle pas du passager clandestin allemand qui bénéficie d’un taux de 25% inférieur à ce qu’il devrait être. On ne parle pas non plus de l’armée d’occupation qui accompagne nécessairement le paquebot euro : finance dérégulée, Banque centrale Indépendante, liberté de circulation des capitaux, etc. On ne prend pas conscience que le rétablissement de la compétitivité passe plus facilement par une dévaluation (baisse de prix externes) que par une attaque frontale du coût complet du travail (baisse des prix internes) et ce même si durablement les élasticités prix ont été anéanties par l’allongement des chaines de la valeur.

Libérer authentiquement l’offre

Libérer l’offre passe par un premier non-respect de la réglementation européenne en réquisitionnant le gouverneur de la banque de France[3]. Ce dernier aura pour mission de monétiser la dette et de permettre  les investissements massifs donnant accès  dans un premier temps au rétablissement du bon fonctionnement des infrastructures de base ( 55milliards d’euros pour EDF, 30 milliards pour le rail, etc.,  mais aussi l’équipement militaire, et surtout la lutte contre le dérèglement climatique) . Simultanément le reprise en mains du système financier dont les dirigeants seront aussi réquisitionnés, permettrait avec la monétisation assurée par la banque centrale d’envisager des investissements eux-mêmes massifs pour la mise à niveau d’un système productif (surtout industriel et agricole) devenu très en retard en termes de productivité, de diversité, ou de simple adaptation aux demandes nouvelles. C’est dans ce cadre porteur que l’offre nouvelle pourra se libérer et assurer ce qu’on appelle la montée en gamme du système productif français.

Maintenant parce qu’il faut que les investissements gigantesques capables de redresser le pays ne débouchent pas sur un non moins gigantesque accroissement des importations[4]….assurant la relance à l’étranger….il faudra profiter de la probable disparition de l’euro, (dont le fonctionnement était lié à l’indépendance de la banque centrale….devenue organe financier dirigé par un gouverneur réquisitionné), pour procéder à une dévaluation massive.

Bien évidemment, tout cela ne pourra se déployer sans effets pervers qu’il faudra savoir maitriser : élasticités/prix à l’importation et à l’exportation beaucoup trop faibles, contrôle des mouvements de capitaux, risques d’inflation, pénurie de devises, etc. Et bien au-delà l’exigence d’une certaine patience, le rétablissement de la puissance du pays ne pouvant s’opérer que dans le cadre d’une dizaine d’années.

 

[1] La Spirale du déclassement, Essai sur la société des illusions ; Seuil ; 2016.

[2] Chiffres du FMI confirmés par l’OFCE. http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/une-revue-recente-de-la-litterature-sur-les-multiplicateurs-budgetaires-la-taille-compte/

[3] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/10/candidats-a-l-election-presidentielle-saisir-les-premieres-cles-permetant-la-reconstruction-de-la-france.html

[4] Même sans croissance réelle le commerce extérieur français ne cesse de se dégrader avec un déficit de 48,7 milliards d’euros entre septembre 2015 et septembre 2016 , contre « seulement » 45,4 milliards un an plus tôt.

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29 novembre 2016 2 29 /11 /novembre /2016 16:06

 

L’élection présidentielle américaine et les prochains rendez-vous électoraux en Italie, en Autriche, puis en Hollande, en France et en Allemagne créent un nouveau climat de tension sur les marchés. Les taux longs américains sont ainsi passés de 2,2% fin juin 2016 à plus de 3% aujourd’hui. Par contagion, le phénomène se déploie en Europe et en particulier chez les plus fragiles. L’Italie connait maintenant une courbe des taux dont les valeurs (jusqu’à 3,5% pour les obligations à 50 ans) dépassent largement une croissance économique de seulement 0,8% pour la présente année.

 Mécaniquement le cours des dettes publique s’affaisse et le risque de taux augmente avec celui de la maturité. Ainsi les obligations italiennes à 50 ans ont perdu 11% de leur valeur 6 semaines après leur lancement à la fin de l’été. Il en est déjà de même pour la plupart des titres publics de la partie sud de la zone Euro. Globalement on peut estimer que 1% de hausse entraine une baisse de 20% pour les titres à maturité très longue.

Les conséquences sont évidemment sévères pour les investisseurs et surtout pour La BCE qui, gavée de dette publique, devient une structure de défaisance avec- si l’on reste dans l’idéologie allemande- évaporation de ses capitaux propres et recapitalisation par les divers pays actionnaires. De quoi développer une nouvelle crise de la zone euro.

Dans un tel contexte on est amené à se poser la question d’une possible fin de « l’exposition à la dette » des différents Etats, c’est-à-dire la suppression d’un marché primaire de la dette dont les aléas mettent clairement en évidence ce que certains appellent le caractère inachevé de la construction de la monnaie unique.

Et il est vrai que si l’on se tourne vers l’histoire financière – sans même aborder ce qu’on appelle le « mode hiérarchique du financement de la dette publique »[1] - on se rend compte que les siècles passés avaient engendré l’idée de dette perpétuelle et un monde à priori beaucoup plus stable. Pourquoi une dette publique perpétuelle et comment expliquer sa disparition ?

L’origine en est simple : la volonté de contourner l’interdit du prêt à intérêt par l’église. Ce qu’on appelle rente était un moyen commode de céder un bien contre le versement d’une annuité régulière derrière laquelle se cachait un véritable taux d’intérêt. Inaugurée en 1535 en France avec François 1ER , elle devait se développer massivement en Grande Bretagne après la révolution anti Stuart (1688) et devenir hégémonique pour nombre d’Etats au 19ième siècle.

Si le principe est simple le prix reste élevé. Le capital étant durablement aliéné, le risque souverain non exclu et l’inflation toujours possible, il faut comprendre que le taux de l’intérêt est logiquement plus élevé que sur une dette de courte maturité, ce que confirme la classique courbe des taux. C’est la raison pour laquelle nombre d’Etats ont essayé d’en limiter le surcout par des clauses juridiques plus ou moins contestables. Ainsi celle de l’intervention sur un marché secondaire de la rente avec, en particulier, une clause de rachat à la discrétion du Trésor. Le prix étant jugé trop élevé le Trésor rachète de la dette, en fait monter le cours et fait baisser le prix des rentes futures. Stratégie douteuse qui pourra éloigner les rentiers et maintenir le prix, et stratégie qui ne sera jamais, à ce titre, utilisée par le Trésor britannique jusqu’à la fin du 19ième siècle. Notons aussi que la rente perpétuelle devient un outil privilégié de l’épargne avec constitution de l’équivalent d’un véritable système de retraite avant l’heure.

Ce sont essentiellement les immenses besoins de la première guerre mondiale qui, par le biais de l’inflation, vont faire disparaitre progressivement la rente perpétuelle. L’apparition ultérieure du keynésianisme avec des taux qui ne sont plus des prix de marché, ce que l’on a appelé la répression financière, confirmera la disparition.

Le retour en force de la finance à partir des années 80, la fin des liens entre Trésors et Banques centrales, la généralisation des taux de change flexibles avec libre circulation du capital, etc. ont remis au premier plan le mode marché de l’endettement public. A la fin des années 90 le mode marché est généralisé et tous les grands pays du monde disposent à côté du Trésor d’une agence spécialisée dans la vente de dette publique.[2] Dans la plupart des Etats, sauf peut-être en Grande Bretagne, la bonne gestion de la dette publique consiste bien évidemment à la rendre la moins couteuse possible, ce qui passe par la volonté de mettre en concurrence la totalité des épargnes mondiales et donc de bénéficier de la profondeur d’un marché planétaire[3], mais qui passe aussi par des maturités relativement courtes[4]. Internationalisation de la dette et court-termisme sont ainsi devenus les outils d’un taux et donc d’un prix peu élevé, Mondialisation d’une dette à court terme, « low cost », mais volatile, constituent les caractéristiques principales de la dette publique moderne.

Avec la crise financière qui fait d’un euro  (mal construit parce que de fait politiquement inconstructible - une proie) les déficits budgétaires ont surdimensionné les appels au marché de la dette publique avec, s’agissant de la France, près de 10% de son PIB annuel[5]. De quoi donner des sueurs froides aux responsables de l’AFT lorsque les taux montent.

C’est ce qui fait penser à certains que le retour de la rente perpétuelle permettrait de mettre fin à l’exposition des dettes par transformation de la dette publique, en rente perpétuelle[6]. Il s’agirait de financer les amortissements annuels de la dette publique par émission de dette perpétuelle. Cela entrainerait en quelques années l’asséchement du marché de la dette publique avec disparition progressive du risque de spéculation…si toutefois il y a retour à l’équilibre budgétaire. Signalons que les Etats à fort excédent d’épargne- essentiellement Allemagne, Hollande et Luxembourg -  n’ont en aucune façon intérêt à une renaissance de la dette perpétuelle plus couteuse que l’actuelle dette publique.

Resterait donc les Etats à déficit d’épargne cherchant aussi à renationaliser une dette publique devenue trop dangereuse. Pour autant une renationalisation de la dette serait un projet difficile car il faudrait une mobilisation beaucoup plus grande de l’épargne nationale, une épargne attirée par des taux plus élevés, mais qui serait aussi affectée à la seule sécurisation d’un Etat, et une sécurisation chèrement payée. Concrètement il s’agirait d’un effet d’éviction au détriment d’investissements dans l’économie réelle. Cela signifie un effet dépressif d’autant plus important que le rythme fixé à la transformation de la dette est lui-même rapide. Si tous les pays à fort besoin de financement s’acheminaient vers un tel processus, il en découlerait une contraction de l’activité avec contagion sur l’ensemble de la zone. En particulier si la France, seconde économie de la zone, devait amortir le flux annuel de dette étrangère échue, soit environ 100 milliards, on peut imaginer la puissance de la dépression, qui en retour il est vrai, aboutirait à la renationalisation complète de la dette au bout d’un peu plus de 7années.

Au-delà, il est clair que l’effet dépressif serait plus important là où la rente serait la plus couteuse c’est-à-dire dans les pays du sud. Il faut donc en conclure que le passage à la rente perpétuelle ne peut être l’occasion d’une renationalisation des dettes.

De tout ceci il résulte que le retour de la dette perpétuelle ne peut s’envisager sans un fort appui parallèle de la monétisation directe, une monétisation interdite,  ou trop limitée dans le cadre sans doute très surveillé par l’Allemagne, de l’application de l’article 132.1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Il sera décidément très difficile d’échapper au processus de dislocation violente de la zone euro.

 

[1] Cf l’article : http://www.lacrisedesannees2010.com/article-statut-des-banques-centrales-et-etats-du-monde-85259345.html

[2] En France l’AFP située dans les locaux de Bercy.

[3] La dette publique française est aujourd’hui vendue à 17 Spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) pour l’essentiel des banques dont de nombreuses sont étrangères.

[4] A fin septembre 2016, la dette publique était à 60% dans des mains étrangères. Dans le même temps elle était d’une maturité moyenne de 7 ans et 124 jours.

[5] 198,5 milliards d’euros pour l’année 2016.

[6] On trouvera un tel point de vue chez Michaël Berrebi et Jean Hervé Lorenzi. Cf : « Un Monde de violence, l’Economie mondiale 2016-2030 » ; Eyrolles ;2015. Cette idée se retrouve également dans nombre de groupes de réflexion.

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