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17 avril 2024 3 17 /04 /avril /2024 09:33

              

Tout a été dit sur la dette publique et donc il est inutile d’apprécier telle ou telle recommandation ou d’imaginer tel ou tel chemin technique pour la réduire. Les choses sont hélas plus radicales et la réalité de la dette correspond à des considérations qui dépassent de très loin les sphères de la technicité économiciste.

Comprendre la dette publique passe en effet par des réflexions sur le type d’ordre humain dans lequel nous vivons… avec l’identité anthropologique qui lui correspond. On peut ainsi risquer l’hypothèse qu’il y aurait des ordres humains qui ne s’appuient pas sur la dette publique tandis que d’autres en exigent son existence voire son auto accroissement. Dans le cas de la France, si on raisonne sur la longue période qui va de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui, on constate d’abord un monde qui efface et éradique la dette (1945/1973) à un monde qui ne se conçoit que par le biais de son continuel élargissement.

Les logiciels des deux types de mondes

Curieusement, le premier monde est celui des dévaluations monétaires compétitives (12 entre 1944 et 1987) et dévaluations concernant des montants parfois considérables (jusqu’à 8O% pour la dévaluation de 1948). A ce premier monde correspond un plein emploi et une production maximale aussi encouragée par le fouet de la dévaluation compétitive. Simultanément, la fiscalité portant sur une production et des revenus qui ne cessent de se développer peut nourrir l’affermissement d’un gigantesque Etat-providence sans risque de déficit public. Un « gros Etat » sans dette se nourrit d’une richesse produite, richesse elle-même protégée par des dévaluations compétitives répétées : les effets prix des dévaluations dopent les exportations et contiennent la dérive des importations.  La France de l’époque, en tant qu’ordre humain, est sans doute fragile et son développement ne se déroule qu’au prix d’incessantes glissades monétaires. Sans elles, il aurait fallu des gains d’efficience productive beaucoup plus performants. Sans glissades monétaires, il eut été impossible de construire un Etat-providence non endetté. Le résultat est toutefois clair : dans ce type de monde les revenus et les dépenses correspondantes sont issus d’une production réelle.

Le second monde est celui de la parfaite stabilité monétaire : il n’y a plus de dévaluation possible depuis le projet de monnaie unique, projet  devenu la réalité de l’euro. Les dévaluations disparues ne nourrissent plus la compétitivité, et si l’on veut maintenir et agrandir l’Etat-providence, la solution devient une compétitivité croissante (gagner des parts de marché à l’international) … ou l’endettement public. Le choix entre les deux réalités relève de l’ordre politique et sociétal. La balance commerciale française devenue considérablement déficitaire n’est que l’effet miroir d’un déficit public devenu simple choix politique. Choix ou contrainte politique indépassable ?

La question de la situation particulière de la France devient préoccupante si ce choix depuis le milieu des années 70 correspond à ce qu’on pourrait appeler un horizon indépassable. Ainsi posée la question reviendrait à imaginer que sur les marchés politiques la dette publique deviendrait le fruit d’un échange mutuellement avantageux pour l’ensemble des partenaires/citoyens. Clairement,  il s’agirait d’un équilibre stable.  De quoi laisser sans espoir les thuriféraires de l’équilibre budgétaire.

Un monde enraciné autour de son centre de gravité

Les marchés politiques français ne sont plus ce qu’ils étaient lors de l’affermissement de l’Etat-Nation. Sans revenir sur une histoire fort ancienne, la France s’est construite sur un Etat fort, très centralisé, très concentré, très laïcisé, et s’arrogeant le monopole de l’intérêt général. Très producteur d’identité, cet Etat fort a construit une réalité anthropologique où les droits de l’homme étaient organisés autour de devoirs ne permettant pas l’irruption de « l’individu désirant » d’aujourd’hui. C’est dire qu’insérés dans un tel monde  les jeux de l’économie marchande sont encadrés et qu’il n’est guère pensable que des externalités négatives aux échanges puissent se développer sans limite. Concrètement entre l’offreur et le demandeur il n’y a pas de tiers sur lequel on pourrait aisément reporter les coûts de l’échange. Par exemple nous ne sommes pas encore dans l’actuel marché de la santé où les médecins ne supportent pas le coût de leur offre et les patients ne paient  pas le prix des soins. Dans un tel monde, les échanges sont d’abord des échanges de marchandises concrètes industrielles ou agricoles et le recours à la finance est limité. Les marchés restent un lieu d’exercice de la responsabilité des acteurs. Ce type organisationnel est propice à la stabilité monétaire : on ne triche que peu avec l’équilibre extérieur et le déficit budgétaire est quasi inexistant. Cela correspond bien à la France d’avant 1914, voire à celle d’avant la seconde guerre mondiale qui ne connaitra que 5 dévaluations (1928, 1936, 1937,1938,1940). Mais précisément ce monde du juste avant guerre prépare la suite….

Un monde qui reste enraciné… mais qui externalise ses contradictions.

Les choses changent après la seconde guerre mondiale avec l’apparition de nouveaux droits et l’émancipation de citoyens qui le seront de moins en moins et deviendront aussi des consommateurs de services publics. Désormais les marchés politiques deviennent ouvertement des marchés de services à produire pour des salariés/consommateurs. Certains préfèrent les produits politiques qui correspondent à des dépenses, celles de la construction de l’Etat-providence ( essentiellement  les électeurs dits de gauche). D’autres préfèrent des produits politiques qui correspondent à une diminution des recettes (moins de pression fiscale exigée par des électeurs dits de droite). La construction d’un Etat providence non réellement financé passe par des dévaluations massives qui irriguent l’outil de production sur lequel est puisé l’impôt devenu simple support des dépenses. La dévaluation devient ainsi l’externalité providentielle permettant la maximisation des gains à l’échange entre les acteurs : citoyen/salariés/consommateurs et entrepreneurs politiques à la recherche de gains politiques. Ce scénario n’est pas spécifiquement français et se trouve plus ou moins validé dans les autres démocraties occidentales. Il est toutefois beaucoup plus prononcé dans le cas de la France en raison de son histoire particulière qui a toujours mis en avant un Etat qui reste idéologiquement (et non réellement) porteur d’un intérêt général. Et même les partis politiques les plus contestataires d’un Etat supposé instrument des rapports entre classes sociales antagonistes acceptent l’idée d’intérêt général. Globalement, il en résulte une pression plus forte en France qu’à l’étranger sur le niveau des recettes et dépenses publiques.

Les alternances au pouvoir ne peuvent rien changer. Il faut pour conquérir le pouvoir multiplier les produits politiques, devenir des généralistes de l’Etat-providence comme il existe des généralistes de la grande distribution. Et lorsque l’accès au pouvoir suppose un partage (coalition de partis politiques) il y aura nécessairement multiplication de produits politiques dont les coûts ne pourront être supportés par une pression fiscale refusée. Les alternances ne peuvent être l’occasion de revenir sur les choix antérieurs. Ainsi la gauche ne peut revenir sur une éventuelle baisse de la pression fiscale et la droite ne peut revenir sur les hausses de dépenses. Certes le temps long des gains de productivité permettrait en théorie d’internaliser les externalités négatives des jeux politiques (les gains de productivité paient la facture). Hélas les temps politiques sont courts et le report sur l’extérieur est préféré : la dévaluation facile l’emporte régulièrement et correspond aux « déjections sociétales » de l’époque

Euro et wokisme : Un monde qui généralise sa déconstruction.

La monnaie unique génère de nouvelles contradictions. Elle va interdire ces « déjections sociétales » que sont les dévaluations désormais interdites. Par contre elle ouvre de nouveaux espaces de libertés et les marchés ne sont plus contraints par des taux de change qui sont autant de barrières et de frontières. Marché unique et promesse d’une union des marchés de capitaux (UMC) sonnent le glas des restrictions à l’économicité. Ces nouvelles libertés sont aussi en congruence avec la déconstruction sociétale et le wokisme devient lui-même un nouvel espace de marché aussi bien pour les entrepreneurs économiques (« Woke capitalism ») que pour les entrepreneurs politiques. Les droits de l’homme s’élargissent sans limite et toutes les contraintes doivent être définitivement levées. Wokisme et anomie risquent ainsi de cohabiter. . Avec les difficultés propres au logiciel wokiste : contenu concret des espaces de domination et risques de nouvelles fractures entre groupes, confusion du sociétal et du social, confusion de l’utopie et de la déconstruction

La dialectique interne au wokisme (capitalisme illimité contre droits de l’homme illimités) ne produit pas les mêmes effets selon que l’on se trouve dans un monde où l’Etat disposait déjà de peu de place (monde anglo-saxon) ou dans un monde où l’Etat disposait d’une place centrale (France). Dans le premier cas, il y a victoire de l’économicité et de ses fruits en termes de gains de productivité, d’où la présente échappée américaine en termes de croissance. Dans le second, il y a pérennisation de la tendance aux déjections sociétales sous forme de dette publique incontrôlable. En France les manifestations concrètes du wokisme s’expriment encore sous forme de demande de services publics nouveaux au moment même où les institutions de l’ancien monde s’effritent sous la poussée de l’illimitation capitaliste. Par exemple, la laÏcité n’existe plus que sous la forme de trace mais son ancien émetteur étatique reste très sollicité en termes de services sociaux et donc de dépenses publiques hors de contrôle. Aux dépenses publiques dites sociales s’ajoutent des dépenses sociétales à périmètre non limité. Macro économiquement et Macro socialement, La France devient le pays où l’on dépense un revenu qui n’est pas produit.

La finance avale tout

Le déficit public en termes de « déjections sociétales » d’un genre nouveau dispose d’un bel avenir car une nouvelle industrie se trouve consommatrice des dites déjections : la finance. La différence entre le revenu distribué, sa dépense, et sa maigre contrepartie en terme de production devient cet objet double qu’est le déficit extérieur abyssal d’un côté, et la dette publique elle-même colossale de l’autre côté. Cette différence est de la monnaie créée par la banque centrale. La masse monétaire correspondante se retrouve dans les comptes bancaires figurant au passif de toutes les banques et plus particulièrement dans les comptes bancaires des gagnants de la mondialisation. Au plus les déjections sociétales s’accroissent au plus les bilans bancaires voient leur taille augmenter. Au passif, nous aurons la contrepartie de la dépense publique et à l’actif les bons du Trésor vendus par l’Agence France Trésor pour couvrir les dépenses. Cette nouvelle forme de déjection sociétale qu’est la dette vient ainsi gonfler l’industrie financière qui va se gaver de dette publique. Alors que les bilans industriels et bancaires étaient de taille comparable jusque dans les années 70, les premiers sont devenus des nains et les seconds des géants. Les déjections sociétales sont ainsi devenues la matière fondamentale des jeux financiers, d’abord comme matière première, ensuite comme titres de garanties (ce qu’on appelle le collatéral). Cette finance faussement contrôlée dans un code monétaire et financier  fait partie de l’illimitation du capitalisme : les échanges sont de moins en moins des échanges de marchandises et de plus en plus des échanges de  produits financiers où l'on confond production de valeur et création de valeur ajoutée. Mieux, elle cherche à échapper aux vieilles traces institutionnelles et voit dans le wokisme un allié : on reparle de titrisation pour s’éloigner de la dette publique et on remplace les vieilles monnaies des Etats par des cryptomonnaies qui libèrent, pense- t-on définitivement les anciens citoyens  des contraintes étatiques. On voit ainsi des individus devenus désocialisés et très consommateurs de services publics,  se méfier de la vieille monnaie publique et se réfugier dans les mirages du bitcoin. Nous sommes très loin d’un affaissement de la dette publique….celle qui naguère par l’investissement réel disparaissait dans l’affermissement de l’avenir. Oui, la dette publique, au moins en France, est aujourd’hui l’horizon indépassable de notre temps.

 

 

 

 

 

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17 mars 2024 7 17 /03 /mars /2024 09:01

Le conflit à l’Est de l’Europe est très probablement amené à se prolonger et à s’intensifier. Au-delà des drames humains qui vont lui correspondre la question est, pour les nouveaux belligérants potentiels, de savoir si l’intendance suivra.

Au vingtième siècle l’intendance a toujours suivi et  des ressources monétaires illimitées  furent aisément mobilisées notamment au cours des deux guerres mondiales.

Ainsi la France entre 1914 et 1918 a consacré plus de 70% de son PIB à l’effort de guerre. Comment ne pas comparer cette mobilisation avec les doutes politiques concernant la loi de programmation militaire 2024-2030, et doutes portant sur la crédibilité d’une stratégie mise en lumière par comparaison avec la dérive  du poids des intérêts de la dette globale du pays ? Un poids de service, dèjà plus lourd que le budget militaire (54 milliards d’euros pour le paiement des intérêts contre 47 milliards de dépenses militaires) et croissant plus rapidement que ce dernier. Aujourd’hui, simplement parvenir à respecter un volume de 2% de PIB pour les armées à venir semble difficile alors que régulièrement, entre 1914 et 1918,  il fut possible de mobiliser jusqu’à 70% du PIB. On connait avec précision le mécanisme de la mise en œuvre  de « l’intendance » : sur 100 de dépenses il n’y eu que 15 d’impôts mais 57 de dettes et 11 de pure création monétaire. L’intendance fut donc une répression financière considérable avec une inflation très supérieure au taux de l’intérêt et finalement une appropriation publique de ressources monétaires accaparées sur le secteur privé. D’une certaine façon l’Etat refuse de passer par des créanciers ( création monétaire) ou s’ils les mobilise (dette publique) c’est dans la perspective de les anéantir. De quoi ne pas se pose la question d’un endettement. A l’époque personne ne se pose la question du « qui paiera les obus ?», mais plus simplement de comment les produire.

Un autre exemple de mobilisation de ressources monétaires illimitées sans endettement fut celui du réarmement allemand dans les années 30. Là aussi il était question de construire une économie de guerre avec la contrainte supplémentaire que cela était juridiquement interdit aux termes du traité de Versailles de 1919. Le mécanisme est passé- bien sûr frauduleusement- par la création d’une société financière appelée MEFO (Metallurgische Forschungsgesellschaft m.b.H.), coquille vide émettant des effets reconnus par le Trésor allemand. Ces derniers devenaient des garanties  pour de grosses entreprises (Messerschmitt, Krupp, Siemens, IG Farben, etc.) qui, les recevant, pouvaient produire, avec leurs fournisseurs,  du matériel de guerre théoriquement payable par le Trésor mais plus réellement  escomptables sans limite  à la banque centrale (Reichsbank). Ici, à l’inverse des billets de banques de la France de la première guerre mondiale, les effets MEFO ne vont pas circuler comme monnaie et resteront cachés aux yeux des autorités internationales chargées de surveiller le respect des contraintes du traité de Versailles. Ils ne circuleront qu’entre les grandes entreprises de l’armement et la banque centrale. Au total nous sommes encore en présence du passage à une économie de guerre sans s’exposer à un quelconque endettement. Mieux, les dépenses militaires induiront un multiplicateur keynésien (non calculé à l’époque) mais- dans le contexte d’ aujourd’hui- estimé à 1,8 si l’on devait effectivement passer à une économie de guerre. Chiffre à priori très élevé, provoqué par une Base Industrielle et Technologique de la Défense française (BITD) très auto-centrée sur le pays, donc non délocalisable.

Aujourd’hui, Le véritable problème qui va se poser est celui de l’effacement des contraintes posées par la monnaie unique, contraintes qui sont un peu celles d’un traité de Versailles à l’encontre de l’Allemagne des années 30. Cela passe bien évidemment par une rupture épistémologique chez les décideurs et leurs conseillers économistes. Et d’une certaine façon les choses sont plus difficiles : naguère, France démocratique et Allemagne…hélas nazie… savaient qu’il fallait se libérer de la dette, alors qu’aujourd’hui nous sommes incapables de penser la réalité autrement.

La question est d’autant plus centrale que les pays qui pourraient plus ou moins passer en économie de guerre, par exemple l’Allemagne, qui dispose encore d’importantes ressources, sont idéologiquement les plus éloignés de toute volonté de retour à une stratégie de puissance. Et il est vrai que c’est le pays- de toute l’Union européenne le plus endetté et le plus en difficulté, la France-  qui souhaite se livrer aux efforts les plus importants. La France, compte tenu des vastes transformations anthropologiques qu’elle connait, aura-t-elle le courage, ou a-t-elle la possibilité, d’entrer dans une logique de dépassement ou de redéfinition des contraintes de la monnaie unique ? Anéantir une logique d’endettement est plus aisé dans une société encore animée dans un cadre holistique narratif d’un avenir, que dans un monde simplement peuplé d’individus déliés et sans projets.

                                                 Jean- Claude Werrebrouck ( 12 mars 2024).

 

 

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18 février 2024 7 18 /02 /février /2024 06:21

Il y a maintenant plus d’un demi-siècle que le législatif promulgue chaque année un budget déficitaire  avec une régularité ne souffrant aucune exception. Et ce, avec une main de plus en plus lourde puisque le trend du déficit est lui-même fortement croissant… le seuil des 3% étant oublié depuis longtemps…. Au-delà nous vivons une période dans laquelle nombre de politiques considèrent que ce n’est pas suffisant et que la croissance est restée souffreteuse en raison de déficits trop légers , donc des déficits qu’il aurait fallu creuser.

1 - Ces déficits sont bien une croissance achetée et il suffit de réfléchir à notre présente situation si le législateur devait renoncer à ce qu’il vient de voter (144 Milliards d’euros de déficit pour l’année 2024). En effet, point n’est besoin d’être économiste pour voir qu’un tel changement de cap serait aussi 144 milliards de réduction de la dépense publique, donc une diminution pour un montant équivalent de la demande globale avec ses conséquences : moins d’enseignants, moins de personnel médical, moins de militaires, moins de dépenses d’infrastructures, mois d’investissements publics, moins de dépenses d’armement, moins de subventions et dépenses au profit des entreprises ou au profit de l’environnement, etc. Le tout avec des effets multiplicateurs considérables. De quoi effectivement ne pas préparer l’avenir, en particulier celui des générations futures pourtant si souvent évoquées pour vilipender le déficit. Pour 2024, il faut donc un déficit prévisionnel de 144 milliards d’euros… pour espérer une « petite croissance » de seulement 1,4%... ce que prévoit la loi de finance. Et prévision qu’il faudra revoir à la baisse jusqu’à probablement moins de O,7%. Sans cette gigantesque dépense publique (490 milliards d’euros) contre moins de 350 milliards de recettes, la décroissance voire l’effondrement serait au rendez-vous. De quoi faire réfléchir les prétendus économistes qui ne parlent que de la dette publique comme la mère de tous nos maux.

2 - Si l’on veut être encore plus précis dans le raisonnement, diminuer drastiquement le déficit public sans « casse » supposerait que le secteur privé prenne le relai de la dépense publique en diminuant au moins d’un même montant son excédent. La comptabilité nationale nous apprend que  la somme algébrique des soldes publics et privés (ménages, entreprises, extérieur) est nulle. Cela signifie que la diminution du solde négatif de l’Etat devrait correspondre à la diminution du solde positif du secteur privé, par exemple que les entreprises investissent davantage et surtout exportent davantage, mais aussi que les ménages consomment davantage de produits nationaux en réduisant ceux issus de l’importation, mais enfin que ces mêmes ménages épargnent moins. Une opération extraordinairement difficile à mener…surtout avec un taux de change inadapté à la situation française.

Au total, aujourd’hui réduire le déficit constitue effectivement une diminution de la demande globale et donc le cheminement  vers une situation sécessionniste. Le déficit ne permet pas d’acheter de la croissance, mais sa réduction est -dans la présente situation- y renoncer gravement. Toujours en restant dans la rigueur de la comptabilité nationale, le lecteur avisé voit que la baisse du déficit serait davantage praticable avec l’aide d’une puissante dévaluation permettant cette fois d’augmenter la demande privée : moins de solde excédentaire de ce côté contre moins de solde déficitaire côté public.

3 -  Ces déficits sont aussi de la rente achetée par des spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) lesquels sont 15 banques ou institutions équivalentes ayant le souci de construire des marges à partir de la monnaie qu’elles créent gratuitement. Une partie des bons du Trésor se trouve absorbée par l’industrie financière grande consommatrice de bons  en qualité de matière première de produits financiers, ou au titre de la collatéralisation. Le surplus de bons achetés par les SVT est, lui, revendu à la BCE et rétablit ainsi leur bonne liquidité. Plus la dette est importante et plus l’industrie financière voit sa part de marché augmenter dans le PIB. Il n’y a aucune raison de penser que les SVT sont des porteurs d’un quelconque intérêt public : ils sont présents à chaque émission de dette tout simplement parce qu’il en va de leur intérêt. La dette publique est ainsi un énorme subventionnement de la finance. De quoi possiblement secourir une économie qui s’évanouit par une finance en voie d’épanouissement.

4 -  Ce demi-siècle de déficit est ainsi bizarrement corrélé avec une faible croissance et un fort développement de la finance. Plus curieusement encore, il est précédé d’une longue période de marginalisation de la finance et d’une très forte croissance sans déficit. Entre 1950 et 1970 la croissance moyenne est de 5% l’an alors que les soldes budgétaires sont toujours positifs (entre O,1 et 1,6%). Nous étions dans une situation strictement inverse de ce que l’on connait aujourd’hui, la croissance ne fonctionnait pas à l’abri d’une dette qui n’existait pas. Mieux la demande globale était freinée par des excédents budgétaires, certes modestes, mais réels. De quoi en principe freiner la croissance.

 5 - Si l’on examine plus en détails les choses, on se rend compte que la relative absence d’endettement signifiait aussi un décollage difficile pour la finance : pas de matière première et pas de collatéral, donc difficile mise ne route des activités spéculatives. Et difficultés accrues par un marché lui-même étroit : le taux de change n’était pas un prix de marché et la spéculation était limitée par une maîtrise/contrôle des prix sur les matières premières. Cette difficulté des activités rentières était aussi entretenue par les rapports entre Trésor et banque de France. Nous ne disposons pas de suffisamment d’informations pour détailler les volumes d’achats de bons du Trésor par la banque centrale et surtout sur la comptabilisation précise de ce que l’on appelait « les avances permanentes à l’Etat sans intérêts ». Issues d’une initiative très ancienne ( convention du 10 juin 1857 entre le Trésor et la banque de France) et initiative justifiée selon le texte lui-même « en réciprocité des avantages qui résultent pour la banque de ce qu’elle reçoit en compte courant les encaisses disponibles du Trésor » elles vont fonctionner jusqu’à leur interdiction par la loi du 3 janvier 1973. Sans que l’on puisse donner de chiffres précis, il est clair que ce type de financement correspond sans le dire à celui de la MMT (Modern Monetary Theory) qui fait que la création monétaire, dans ce type de paradigme, relève au moins partiellement de l’Etat lui-même. Et il est vrai que l’on ne sait pas si, dans le solde primaire que nous présente l’INSEE pour les comptes des années 1950 et 1960, il n’y a pas en recettes et en dépenses les mouvements entre Trésor et banque de France. De quoi comprendre des chiffres qui nous paraissent aujourd’hui ridicules et chiffres qui ne correspondaient probablement qu’aux « planchers de bons du Trésor » (les banques étaient tenues d’acheter des bons à hauteur d’un pourcentage de leur liquidité) et aux maigres achats par les particuliers dans les bureaux de postes. A l’époque la dette trop faible est incapable de « manger » le solde primaire et il reste un excédent. Ainsi dans les années 60, le solde primaire est en moyenne de 6,5% du total des recettes, tandis que les intérêts de la dette ne représentent que 2,9% de ces mêmes recettes, ce qui laisse un excèdent final de 3,4%. Ainsi dans les années 70 le solde primaire est en moyenne de 2,2% du total des recettes, tandis que les intérêts de la dette se montent à 2% de ces mêmes recettes, ce qui laisse encore un solde final de 0,2%.

6 - Les années suivantes seront celles de la rupture et vont nous mener jusqu’à le présente situation. La première rupture est bien sûr la fin relative de la croissance économique. La fin du fordisme et l’évaporation du tissu productif vers l’ex tiers-monde entraine des chutes vertigineuses de croissance : 2,5% dans les années 80, puis 2% dans les années 90, puis 1,5% dans les années 2000 et 2010, probablement moins encore aujourd’hui, le tout s’expliquant aussi par un effondrement de la productivité. Contrairement à ce qui est en général invoqué, il n’y a pas de véritable laxisme budgétaire et la situation reste sous contrôle.  Ainsi le plus longtemps possible le solde primaire va, comme dans les années 50 et 60, rester excédentaire et ce n’est qu’avec les grandes crises qu’il deviendra déficitaire : -10,5% du total des recettes en 2009, -9% en 2010, etc. En contrepartie les intérêts de la dette explosent malgré les premiers quantitative easing, ce qui va laisser des soldes finaux de plus en plus douloureux (- 15% du total des recettes en 2009 , - 14,3 en 2010, etc.). 

Bien sûr, l’effondrement des soldes s’accompagnent de masses budgétaires croissantes, d’où l’accusation d’un poids de l’Etat et de ses administrations trop élevé. Accusation qui mériterait une démonstration rigoureuse : Est-ce l’Etat qui fait disparaître le fordisme classique et l’expulsion des usines, où est-ce la mondialisation qui fait de l’Etat un réparateur d’un modèle social incompatible avec la mondialisation ? (Poids devenu gigantesque des dépenses sociales). Quoi qu’il en soit l’effet boule de neige s’enclenche ce qui est très visible au niveau du seul Etat et de son Agence France Trésor chargée de l’oxygéner. Ainsi la crise financière 2008/2009 fait décoller le déficit exprimé en pourcentage des recettes : 58% pour 2009 et encore 54% en 2010. Après une lente diminution les taux vont remonter avec la crise sanitaire : 44% en 2021  36% en 2022 et encore 49% en 2023. Pour l’année 2024 le solde prévu serait encore de 41%. Bien évidemment, le poids du roulement de la dette ne peut qu’augmenter : 50% des adjudications de France Trésor cette année serviront au seul roulement. A lui seul, le roulement de la dette pour 2024 (la vente de nouveaux bons pour rembourser les anciens arrivés à échéance) va représenter 42% du total des recettes de l’Etat.  l’appel de fonds 2024 de France Trésor aux SVT représentera quant à lui 82% du total des ressources de l’Etat. Tout aussi évident est le poids de la hausse des taux et 1% de hausse se matérialise aujourd’hui par 17 milliards d’euros supplémentaires au titre de la charge de la dette.

7 -  Que conclure ?

Jadis la croissance très forte bloquait tout risque de déficit budgétaire. Cette croissance très forte était engendrée par des gains de productivité très importants se partageant en hausse des profits, en hausse des salaires et en hausse de la masse fiscale captée par l’Etat. Le tout se déroulant sur un territoire relativement homogène. Cette croissance engendrait des institutions, celles du fordisme classique, qui, elles-mêmes, assuraient un encadrement relativement sécurisant à des acteurs/citoyens. D’une certaine façon, l’Etat providence s’édifiait dans les interstices de ce cadre très structurant. Il en découlait très logiquement que les dépenses sociales appelées à devenir gigantesques à partir des années 70/80 pouvaient être très largement contenues, ce qui confortait l’équilibre budgétaire stable de l’époque.

L’expulsion au moins partielle des activités productives vers le reste du monde (une grande partie de l’industrie, mais aussi l’agriculture et maintenant les services) déstructure et désencadre le territoire.

Bien évidemment, la croissance s’effondre puisque l’économie réelle s’évapore et se trouve remplacée par de plus en plus d’activités improductives (les entrepôts  Amazon remplacent les usines) et de plus en plus d’activités de contrôle ou de régulation mais surtout sociales tentent de réparer ce qui est progressivement détruit. En retour, le développement d’une économie de l’assistance favorise l’immigration. Moins de croissance mais aussi beaucoup plus de dépenses publiques cessant d’être nourries par la fiscalité. Le développement d’une économie de la normalisation ( contrôle/régulation) cache mal une perte progressive de toute forme d’encadrement des individus sous l’impulsion de droits de l’homme devenus illimités. Les liens sociaux classiques se  transforment en violence, une réalité dont la gestion augmente les coûts de fonctionnement de la société, et alimente la dette publique. Exporter l’économie réelle c’est faire disparaître l’encadrement général de la population   et en retour importer de la violence.

Cette même expulsion de l’économie réelle laisse la place à une finance, elle,  très irréelle. L’industrie de la finance devient elle aussi une économie de l’assistance budgétairement coûteuse. Les déficits deviennent la contrepartie d’une création monétaire par le seul filtre bancaire. La dette correspondante reste dette et il faut  assurer le remboursement du capital et l’intérêt….dans un contexte de croissance disparue. Il n’y aura pas de rétablissement du pays sans mise en extinction de la finance irréelle.

8 - Que faire ?

- Il faut évidemment mettre un terme au financement de la dette publique par les banques et restaurer la création monétaire par l’Etat lui-même. Avant de devenir « théorie » la MMT était simple pratique et ce depuis la naissance des Etats. Il faut y revenir de façon urgente et travailler les conditions et modes de réalisation de cette pratique. Elle est la condition nécessaire de la mise à l’écart d’un subventionnement permanent de l’industrie financière.

- Il faut en finir avec l’expulsion de l’économie réelle et la réimporter dans les territoires, ce qui suppose un énorme travail au niveau international.  L’OMC doit être radicalement transformée. Il ne s’agit plus de promouvoir le libre échange mais de construire les outils permettant à chaque Etat  d’édifier de façon collaborative et de respecter le principe universel de l’équilibre des balances extérieures. Nouvel universalisme se substituant à celui du seul marché. Retour à Keynes mais bien plus encore à Emmanuel Kant avec son internationalisme universliste. 

Deux thèmes qui n’en font qu’un et devraient mobiliser le personnel politique. Il n’y a pourtant aucune chance que ce très vaste et nécessaire chantier soit à l’ordre du jour dans les prochaines joutes électorales.

 

 

 

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13 décembre 2023 3 13 /12 /décembre /2023 18:06

Quelques conseils simples pour candidats sérieux aux prochaines élections                        

On ne peut construire un projet sans en connaître le but. Il convient de bien distinguer  les fins et les moyens.

La finalité est probablement commune à tous les candidats sérieux. L’objectif commun est, raisonnablement, de construire une société apaisée par la confiance qui doit lier les différents groupes d’acteurs du jeu social, confiance enracinée dans une sécurité aussi bien intérieure qu’extérieure. La confiance collective est l’humus sur lequel pourra s’édifier un projet.

De cette finalité découle des moyens généraux ordonnés en quelques  points, chacun étant la condition de la bonne réalisation du précédent. Cet ordonnancement se doit pourtant d’éviter l’impression d’un retour impossible vers « l’âge d’or » et doit tenir compte, dans un programme détaillé, de réalités anthropologiques que l’histoire sculpte en permanence : l’avenir ne saurait être un retour vers le passé. Les points qu’il faut articuler sont les suivants :

                                                                               1 - Reconstruction d’une immense classe moyenne aux  prises avec des activités reconnues utiles pour tous. 

                                                                                  2 – Edification d’une base d’appui de la reconstruction autour de 5 blocs : Instruction/Education, Environnement/Ecologie, Santé, Energie, Défense aussi bien intérieure qu’extérieure. Cette édification utilise une matière première dans un ordre juridico-économique à construire.

                                                                                                     3 - L’énormité des moyens matériels à rassembler suppose de sortir radicalement d’une économie de la dette : la masse monétaire et financière ne peut plus augmenter par la seule dette avec ses conséquences en termes de crises financières régulières et ses politiques publiques destructrices appelées « réformes structurelles ». Raisonnablement la finance ne peut occuper une place 10 fois supérieure à l’économie réelle sans qu’on s’y intéresse. Que des candidats refusent d’entrer dans cette réflexion prioritaire et en déduire des actions n’est pas sérieux.

                                                                                             4 - L’industrie financière doit cesser d’être tournée sur elle-même et contre l’économie réelle, elle doit se déployer autour d’une banque centrale cessant d’être indépendante et donc désormais mise au service de la reconstruction. Ne pas voir que la BCE s’est - de par ses opérations de quantitative-easing livrée au sauvetage de la  seule finance n’est pas sérieux.

                                                                                           5 - Les 5 blocs doivent se construire par échanges mutuels, ce qui suppose une économie de marché désormais enracinée dans un projet, et donc  une planification programmée des activités. Mécaniquement,  les échanges entre les 5 blocs reconstruisent par le jeu d’un juridico-économique à choisir, une industrie, une agriculture,  des services privés et publics.

                                                                                            6 - La connexion du chantier avec l’extérieur privilégie le détricotage progressif de l’ordo-libéralisme bruxellois et la coordination croissante avec ce qui pourra apparaître comme une association d’Etats-Nations souverains et, bien évidemment, de culture démocratique. Ne pas voir que les nations sont de retour et ne pas en imaginer les avantages et dangers possibles n’est pas sérieux.

 

Un projet politique sérieux doit détailler ces moyens généraux et en particulier les points 3, 4 et 5. De ce point de vue, il doit questionner l’ensemble des conséquences juridiques et géopolitiques associées au projet. Les fins et moyens susvisés doivent être rassemblés dans un document de campagne aussi bref que possible (moins de 10 pages). La distinction radicale de ce type de  projet avec ceux présentés jusqu’ici très classiquement doit être  dans l’analyse précise de la sur-financiarisation mondiale - pièce maîtresse particulièrement dévastatrice de la France, de son économie, et de sa société -   et des moyens d’y remédier. Le constat  de la sur-financiarisation doit-être présenté de façon compréhensible pour les citoyens, doit être analysé du point de vue de ses conséquences précises, et doit être suivi de la présentation d’un autre avenir possible.

Nous publierons prochainement un texte plus précis sur la dé-financiarisation comme travail indispensable à tout effort de reconstruction du pays.

 

 

                                                          

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9 novembre 2023 4 09 /11 /novembre /2023 09:28

Objectif de la présente note : montrer que la dette publique - objet d’une brûlante actualité - est la matière première indispensable et sans doute trop rare du monde de la finance. D’où la grande confusion de tous les acteurs qui veulent à la fois briser la dette et en garantir son plein développement. Bonne lecture.

La BCE est de plus en plus souvent interrogée sur la possibilité de l’annulation de la dette publique qu’elle détient à l’actif de son bilan. Cette interrogation résulte d’abord de son comportement de sauvetage des Etats par achats massifs de dettes d’Etats durant la crise sanitaire. Elle résulte aussi d’analyses pessimistes comparant un taux de croissance en valeur inférieur au taux de l’intérêt, d’où un dangereux effet  ciseau. Elle résulte enfin d’un nombre croissant d’économistes et de think tanks qui comprennent mal que, dans certaines circonstances, des dettes se renégocient ou sont annulées et qu’il ne pourrait en être de même pour les Etats de l’Union Européenne. En ce domaine, l’attitude et l’ouvrage  récent d’un grand banquier, Mathieu Pigasse, (« Dans la lumière du chaos » , Editions de l’0bservatoire ; octobre 2023)  ajoute à la gêne de la banque centrale. Pour bien comprendre le problème, il faut accepter d’analyser les bilans des acteurs concernés par les opérations liées à la dette.

Un peu de comptabilité.

L’achat de dette publique par l’institut d’émission correspond comme toujours en comptabilité à une double écriture : à l' actif de la banque le volume des achats, au passif une opération de crédit sur le compte du Trésor pour un même montant. Le bilan de la banque centrale reste équilibré et se trouve gonflé du montant de dette achetée. Du point de vue du Trésor, nous avons l’image renversée de l’opération : le passif du Trésor augmente (sa dette augmente) et son actif s’accroit d’un même montant (son compte courant à la banque centrale). Il s’agit bien d’une création de monnaie, donc un stock de monnaie supplémentaire mesurable sur le compte du Trésor à la banque centrale. Notons que si l’achat de dette publique se faisait par canal bancaire, ce qui est le cas au niveau de ce qu’on appelle le marché primaire de la dette, l’opération relèverait soit de la mobilisation d’une épargne donc sans création monétaire ou de la mobilisation d’une capacité de création monétaire (une banque voit son passif gonfler en raison d’une création monétaire dans d’autres banques et utilise ce gonflement pour acheter de la dette publique).

Si un accord fort théorique intervenant entre l’Etat et la banque centrale devait mettre fin à la dette précédemment créée par une opération d’annulation, nous aurions les écritures suivantes : La valeur des actifs au titre de la dette disparait sur le bilan de la banque centrale, bilan dont le total diminue pour un même montant, la différence entre passif inchangé et actif diminué correspond à un perte d’exploitation inscrite en actif ; le Trésor verrait lui sa dette diminuée à son passif, l’actif restant inchangé, le tout correspondant à un profit d’exploitation.

Les capitaux propres  de banques centrales ne correspondent en rien aux capitaux propres classiques….

Si les montants étaient de grande ampleur, la perte de la banque centrale qui correspond à une perte de patrimoine se matérialisant au niveau de ses fonds propres pourrait  déboucher sur une disparition de ces derniers, voire davantage c’est-à-dire des fonds propres négatifs. Peut-on imaginer, en règle générale, des fonds propres négatifs ?

Si l’on transpose le raisonnement au monde classique de l’entreprise on se rend compte rapidement de l’impossibilité de fonds propres négatifs. Examinons de plus près cette question. Supposons qu’une entreprise dégage régulièrement des pertes d’exploitation. Petit à petit son patrimoine se trouve rogné et il vient un moment où les actionnaires se retirent et préfèrent mettre fin à l’existence de l’entreprise plutôt que de continuer à voir s’effondrer des patrimoines. Ce raisonnement peut être reconduit pour les banques et le système financier. Ainsi l’effondrement de la valeur des obligations figurant aujourd’hui à l’actif des banques, provoque un déséquilibre entre actif diminué et passif exigible (fonds propres et essentiellement dépôts sur comptes courants des clients de la banque). Ce déséquilibre se matérialise par une perte de fonds propres et plus grave par une peur des clients qui vont précipiter un bank run et donc une possible disparition de la  banque. La conclusion est que dans le monde économique de base, des fonds propres négatifs ne sont guère envisageables.

Il en va autrement pour les banques centrales qui jouissent de la particularité de disposer d’un passif non exigible. On voit mal en effet un bank run des porteurs de billets de banques réclamant leur avoir : les billets représentent la liquidité et les porteurs en sont pleinement propriétaires. La différence avec les banques classiques est que les comptes courants sont des créances et à ce titre une panique bancaire est concevable, chacun tentant de transformer sa créance en avoir de pleine propriété. Un bank run  n’est guère envisageable auprès d’une banque centrale, les billets de banque étant la forme supérieure de la liquidité, il ne saurait y avoir de risque d’insolvabilité pour une banque centrale. Même chose pour les banques qui ne craignent guère pour leur compte courant à la banque centrale. A la limite, elles aussi pourraient exiger la conversion de leur compte en billets, ce qui ne soulève de problème autre que celui de l’impression de nouvelles espèces. La conclusion est qu’une banque centrale ne peut être traitée comme un agent économique classique et qu’en particulier elle n’a guère besoin de fonds propres. Il y a là une différence de nature entre les comptes d’une banque centrale et ceux des agents ordinaires.

…Mais les croyances et le droit nient cette différence de nature…

On ne peut donc que s’étonner de fausses déclarations d’experts ou de décisions juridiquement mal justifiées  concernant la  recapitalisation de certaines banques centrales.  On peut, à titre d’exemple, évoquer le cas de la Risckbank suédoise qui, comme tant d’autres, a vu son  actif se dégonfler en raison de la chute du cours des obligations, chute elle-même engendrée par la hausse des taux, et donc chute dévoreuse de fonds propres. On apprend ainsi qu’une recapitalisation par l’Etat est nécessaire, et ce à hauteur de 80 milliards de couronnes pour respecter le seuil réglementaire de 140 milliards de fonds propres. On voit même le gouverneur s’adressant au parlement suédois, le 24 octobre dernier, pour demander[JW1]  une recapitalisation… évènement diffusé dans toute la presse qui ne s’étonne guère d’un tel geste pourtant complètement inutile. Comment justifier une situation aussi abracadabrantesque alors qu’une banque centrale ne connait aucune exigence de passif ? Pourquoi solliciter un capital, nécessairement rare auprès d’un législateur alors  qu’aucun besoin ne se fait sentir? La réponse nous semble relever d’un ordre juridique mis en place pour interdire la maîtrise monétaire par les Etats. Si, en effet, on inscrivait dans le droit la spécificité des banques centrales à savoir la non exigence du passif, il paraitrait évident que l’on priverait la finance de l’essentiel du marché de la dette publique.

Ce dernier point de vue mérite une explication précise. Si la dette publique pouvait faire l’objet d’une annulation par  une banque centrale qui par ailleurs en est acheteuse, il est clair que les Etats passeraient davantage par la banque centrale et moins  par le marché de la dette pour mobiliser des liquidités. Certes, un premier outil juridique fut inventé pour éloigner les banques centrales de leurs Etats et par exemple les traités européens interdisent l’achat direct de titres publics par les banques centrales (article 1,2,3 du TFUE). Mais comme le marché secondaire n’est pas interdit aux banques centrales - concrètement le rachat par la banque centrale d’une partie de la nouvelle dette achetée par les banques se déroule en moins d’une seconde, la distance entre marché primaire et rachat se mesure ainsi en temps infiniment petit -  il faut renforcer la vigilance et exiger juridiquement que les banques centrales soient comme tous les agents économiques susceptibles de faillite et donc de recapitalisation. Cette exigence juridique est variable selon les pays, mais partout et bien évidemment chez les spécialistes de la finance, les économistes et autres experts, les banques centrales doivent être considérées comme des agents économiques classiques. Si tel n’était pas le cas le marché de la dette publique serait particulièrement étroit et la finance serait ainsi privée de sa matière première fondamentale : non seulement la dette publique est objet de rentabilité mais elle est aussi la matière première fondamentale de la « collatéralisation » sur tous les marchés financiers, ce qui nous invite à en préciser le fonctionnement.

Une nature métastatique de la finance  grande consommatrice de dette publique

Sans dette publique extrêmement abondante et disponible sur les marchés (probablement plusieurs milliers de milliards de dollars affect au collatéral), et jusqu’ici considérée par les régulateurs comme un actif sécurisé, il y aurait beaucoup de problèmes de liquidités sur tous les marchés financiers : Swaps de taux (change et intérêt), CDS, marchés des dérivés, marchés du REPO (pension livrée), marchés du prêt/emprunt de titres, opérations de crédit des banques centrales, etc.  De quoi penser que ce collatéral qu’est la dette publique est l’instrument de base de fonctionnement des marchés financiers comme la monnaie est instrument de base pour les marchés réels. Et plus la finance se gonfle - plusieurs dizaines de PIB planétaires si l’on comptabilise le notionnel des hors bilans - et plus la dette publique affectée à la collatéralisation se doit d’être abondante.

C’est que le mode de fonctionnement de la finance impose son élargissement incessant. Alors que dans l’économie réelle les contrats tentent d’internaliser les possibles effets externes, les contrats financiers sécurisent en reportant l’insécurité sur d’autres acteurs. C’est en particulier le cas de tous les marchés à terme : en sécurisant par exemple les prix futurs de telle ou telle marchandise, la finance, apporteuse de sécurité, doit elle-même se sécuriser avec d’autres contrats et ce sans réelle limite. C’est cette  nature métastatique de la finance qui  explique son hypertrophie galopante. Mieux, cette réalité métastatique doit logiquement atteindre l’économie réelle, d’abord l’Assurance avec les obligations catastrophes ( « cat bonds ») mais tout le réel devra se financiariser. Ainsi les marchandises de l’économie réelle doivent être « couvertes »  et ce logiquement jusqu’au moment où le coût de la couverture supplémentaire rejoint le profit marginal résultant de ladite couverture supplémentaire. On comprend ainsi que toutes les matières premières sont plongées dans un colossal marché financier, le plus souvent plusieurs dizaines de fois supérieurs au marché réel. On comprend aussi que la métastatique de la finance cherche à développer un volet métastatique de ce qui n’est plus la sage économie réelle : désormais on s’intéresse aux modes de production de l’économie réelle, ses effets externes en termes environnementaux, donc ses coûts cachés que l’on veut comptabiliser ( d’où la « true cost accounting » en plein développement ) et pour lesquels on pourra imaginer des produits financiers de couverture.

Au final la nature métastatique de la finance suppose des outils de sécurité fondamentaux, le collatéral, lui-même constitué pour l’essentiel de dette publique. Sans dette publique possiblement illimitée, il n’est guère possible à la finance de garantir son illimitation.

Il est donc évident que si l’on brime le marché de la dette publique, on emprisonne la finance dans un périmètre qu’elle ne peut supporter. Ce qu’empiriquement on semble constater aujourd’hui aux USA avec l’étouffement du marché du repo, fournisseur de collatéral, pour la finance bancaire et étouffement probablement provoqué par la fin du QE et son remplacement par le QT (quantitative tightening). D’où le titre inquiétant des Echos du 8 novembre : « les liquidités s’évaporent sur le marché obligataire américain ». De la même façon qu’historiquement la rareté monétaire (pénurie de métal précieux) était déflationniste sur les marchés réels, la rareté de dette publique serait aujourd’hui un insupportable corset pour la finance. Et le meilleur collatéral restera de loin la dette publique américaine dont la profondeur et donc la liquidité extrême est aussi le produit d'un endettement public extrême doublé d'un déficit courant lui même gigantesque. Les déficits jumeaux et sans pleurs fabriquent une finance joyeuse. Et une sécurité qui se vérifie au quotidien pour la dette publique américaine avec la faible élasticité de sa demande. Ainsi lorsque le rendement du T-bill augmente (bon du Trésor américain) les fonds vendent les autres titres plus risqués, ce qui confirme le grand attrait pour la dette américaine.  Pour être complet il convient d'insister sur un point : la dette publique comme matière première se doit d’apparaître comme issue d’un marché. Si tel n’était pas le cas et si par exemple cette dette était immobilisée durablement sur le bilan de la banque centrale, il n’y aurait pas de collatéral disponible pour les marchés financiers. La dette publique ne nourrit pas spontanément la finance, elle ne le fait que s’il existe un marché de la dette publique. C’est ainsi qu’historiquement nous avons connu des montagnes de dette publique sans finance. Ce fut le cas des périodes de guerre, et si la résistance des banques centrales se fit d’abord lourde avec parfois des gouverneurs qui refusent brutalement d’obéir aux exécutifs (guerre de 1870), l’obéissance allait rapidement suivre (les 2 guerres mondiales). Durant ces périodes difficiles la finance ne menait qu’une vie larvaire et la dette publique se trouvait enkystée, donc hors marché, dans le bilan des banques centrales.

Les très nombreux partisans d’un interdit radical de toute tentative d’annulation de la dette publique sont ainsi les défenseurs d’une  industrie financière exubérante, hypertrophique car métastatique, et gaspilleuse  de grandes compétences professionnelles. Ils ne sont pas tous conscients des mécanismes qui règlent la réalité empirique et comptent parmi eux de simples citoyens attachés à la rigueur et au bon sens et donc au rejet de ce qu’ils croient être la planche à billets. On peut plus difficilement admettre qu’il en est de même pour les dirigeants et les gardiens de l’ordre financier. On peut par conséquent comprendre l’agacement de Madame Lagarde et de son entourage immédiat au regard des nombreux connaisseurs de la réalité qui, au sein d’organisations tels les instituts Rousseau  ou Veblen en France, se manifestent et se réjouissent du fait que même des financiers célèbres- tel un Mathieu Pigasse - s’élèvent contre une réalité au devenir tragique.


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1 janvier 2023 7 01 /01 /janvier /2023 09:07

Depuis de nombreuses années les crises s’empilent et révèlent de plus en plus clairement l’extrême fragilité de l’édifice européen. A la crise des subprime vont ainsi succéder, une crise de l’euro, puis une crise sanitaire, puis aujourd’hui une crise énergétique. Au-delà de leur spécificité voire de leurs différences de nature existe un ingrédient commun : une émission monétaire incontrôlée, contrepartie d’une dette elle-même hors de contrôle. Cette émission est, au final, le fait d’une banque centrale dite indépendante et sa réalité matérielle se lit directement dans son bilan : à chaque crise, ce dernier grossit et finit par atteindre des proportions jusqu’ici jamais vues dans l’histoire. Naguère, la croissance économique, beaucoup plus puissante, s’accompagnait d’une sobriété de la croissance de la dette et de la monnaie. L’impression est aujourd’hui toute autre : une  croissance  très handicapée par des crises s’accompagne d’une avalanche  de dettes et de monnaie. Et une rencontre qui ne développe que l’inflation/spéculation sur les seuls actifs tant le prix des autres biens était jusqu’ici cadenassé par la mondialisation. Ce phénomène de sous production réelle et de surproduction de dette et de monnaie spéculative est assez largement planétaire mais il est beaucoup plus prégnant dans l’Union européenne. D’où l’idée de château de cartes en danger.

Sous production d’un côté et surproduction de l’autre semblent aujourd’hui faire l’objet d’une grande attention et se matérialisent -par exemple aux USA- par une politique monétaire restrictive : La FED augmente les taux et tente d’amaigrir son bilan comptable. La BCE aimerait faire de même mais se trouve hélas handicapée par l’existence de la monnaie unique et la gestion passée des diverses crises. La monnaie unique était déjà un lourd objet dans le  château de cartes : émission monétaire et dette devaient  se déployer à un rythme commun entre les divers pays à peine de voir le déchaînement d’une incontrôlable spéculation. Nous avons là la première grande crise européenne, celle de l’euro elle-même contre-coup de la crise américaine des supprime. Parce que des pays, notamment la Grèce ou l’Italie, semblent s’autonomiser par rapport à une règle commune, l’euro se trouve violemment attaqué. Sans le dire l’Allemagne aimait  ces « cigales du sud » qui permettait un flux croissant de ses exportations industrielles. Hélas, il faudra qu’au nom de la monnaie unique elle s’insurge contre ses propres clients si gourmands.

Ainsi le château de cartes sera renforcé par des règles de plus en plus contraignantes concernant les politiques budgétaires. On tente de contrôler les émissions de dettes et de monnaie, hélas en étant brutal vis-à-vis de la production. La croissance des cigales opportunistes est bloquée avec effets contreproductifs sur les fourmis. C’est ainsi que la croissance européenne deviendra, longtemps avant l’éclatement de la crise sanitaire, l’une des plus faibles de la planète.

La crise sanitaire va à nouveau fragiliser le château de cartes… avec pour solution son agrandissement.

Dès le printemps 2020, les autorités décident de brider gravement la production matérielle sans toucher à ses contreparties en termes de revenus. Nous avons là le « quoi qu’il en coûte » qui va aggraver sans limite la vieille tendance de la sous-production matérielle et de la surproduction de monnaie et de dette. Et cette fois, il n’est pas question de laisser la spéculation s’enclencher sur des spreads de taux entre les diverses dettes publiques de la zone euro. Désormais, la création monétaire sera massive, et presque sans le dire, la BCE sera plus généreuse avec les pays les plus cigales

. Au -delà on va inventer une dette publique commune avec des effets redistributifs. Les choses ne sont pourtant pas simples pour le château de cartes devenu plus grand : si la masse monétaire mondiale devient disproportionnée, et si une inflation généralisée s’invite dans le débat, comment lutter contre cette dernière ?

Quand on est américain, l’augmentation des taux à effets contre inflationnistes, touche l’ensemble des acteurs de façon relativement homogène. Quand on est européen l’augmentation des taux par une BCE scrupuleuse ne touche pas l’Allemagne comme elle touche l’Italie ou la France. La première peut supporter tandis que les derniers peuvent vite rencontrer l’effet « boule de neige » : comment budgéter des remboursements de dette publique subitement devenus colossaux en raison de taux d’intérêts devenus lourds ? La BCE qui se trouve au sommet du château de cartes ne peut se permettre de lutter sérieusement contre l’inflation à peine de disloquer un équilibre si fragile. D’où une augmentation bien plus modérée de ses taux directeurs que la pratique moins nuancée de sa consœur FED. D’où en conséquence un affaiblissement de l’euro, lui -même porteur de hausse de prix de toutes les importations en dollars.

Dans ce contexte, la crise énergétique peut devenir le croche-pied inamical pouvant entraîner l’effondrement du château…à moins d’accepter de tout reconstruire sur de toutes autres bases….

¨Parce que, contre toute logique, il  fut historiquement décidé que l’électricité devait faire l’objet d’un marché ; parce qu’à ce titre il fallait briser l’entreprise française d’électricité la plus importante et la plus  performante de la planète ; parce qu’il fallait créer de toute pièce des concurrents à EDF ; parce que ce marché devait déboucher sur un prix correspondant au coût marginal de l’électron, cout marginal possiblement exposé à une prime de risque sur les marchés à terme ; parce qu’à ce titre il fallait abandonner toute volonté d’indépendance et de souveraineté ; parce qu’il fallait satisfaire des lobbys misant sur des énergies non renouvelables, intermittentes, déstabilisatrices du réseau car prioritaires et gourmandes en fonds publics ; etc.…nous avons rencontré la présente situation. Cette dernière est une nouvelle crise de sous production réelle, d’abord d’électricité nucléaire, mais aussi d’entreprises énergétivores qui ne peuvent plus fonctionner avec des coûts devenus hors de portée et qui seront condamnées à délocaliser vers des zones plus accueillantes. Mais elle est aussi, malgré les craintes de la BCE une crise de surproduction de monnaie et de dette : il faut en revenir au « quoi qu’il en coûte » de la crise sanitaire et les Etats endettés doivent à nouveau faire confiance au tapis d’argent magique que ladite BCE ne peut réellement produire alors que sa vocation reste de lutter contre l’inflation…. Toujours plus de nouvelles béquilles aux effets multiples pour le château de cartes que l’on veut voir grossir et s’agrandir…. Il est des moments où l’insurmontabilité des contradictions qui résulte des règles du jeu que les humains se sont fixées, doit être clairement exposée par les autorités.

Dans ce contexte, le gouvernement français doit devenir courageux et s’honorer de réelles décisions :

  • Envisager toutes mesures utiles avec l’Allemagne pour mettre fin au faux marché de l’électricité.
  •  Rétablir les prérogatives d’EDF : en mettant fin à l’ARENH , en mettant fin aux privilèges léonins des lobbys, en proposant un monopole européen de transport et de distribution permettant d’uniformiser les bases d’une compétitivité commune , en élargissant l’interconnexion des réseaux aux fins d’une solidarité européenne large.
  • Faciliter la perspective de la « boucle nucléaire » (neutrons rapides) aux fins de l’utilisation productive des déchets. Cela passe par la remobilisation des scientifiques perdus par les abandons de jadis (Superphénix et Astrid).
  • Mettre fin aux bureaucraties, à la spéculation, et à la volatilité des prix et tarifs de l’énergie. Cela passe par le retour rapide d’une maîtrise de la finance par le politique et la réorientation des compétences humaines depuis l’inutile et le nuisible vers le travail productif.
  • Placer les questions énergétiques en « économie de guerre » afin de quitter rapidement la dangereuse situation présente. (Il fallait naguère 5 ans pour construire une centrale, comment expliquer les 15 années requises aujourd’hui ?).
  • Mettre à profit ce moment historique pour construire un système énergétique fertilisant la réindustrialisation du pays (tant qu’il n’y aura pas eu découplage ente PIB et consommation énergétique l’économie ne restera, au fond, que de l’énergie transformée). Cela passe par le retour d’une planification réelle soucieuse des dangers du seul productivisme sur les impacts environnementaux. Cela passe aussi par la mise en place d’un outil financier qui, cessant de s’orienter vers des créations monétaires à des fins spéculatives, s’oriente vers de la création aux seules fins de l’investissement réellement productif. Pour une très large part, la monnaie ne doit plus avoir comme contrepartie une dette financière mais une production matérielle de biens générateurs d’efficience collective.
  •  De quoi mettre fin au couple diabolique de sous production matérielle/surproduction de dettes et de monnaie. De quoi restaurer les conditions nécessaires à la reconstruction du pays sur des bases nouvelles.

 

 

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17 mai 2021 1 17 /05 /mai /2021 03:57

Les comptables nationaux exposent la réalité chiffrée en regroupant des agents économiques selon de grandes catégories : les entreprises appelées sociétés non financières,  les institutions financières , les administrations publiques, les ménages et le reste du monde. Au terme d’une période d’activité, (trimestre ou année) on dresse le compte de chacun et on établit le résultat final. Ainsi chaque groupe d’agents connait au terme de son activité un solde final qui est soit un excédent (une capacité de financement) soit un déficit (un besoin de financement)  : la somme des besoins est comptablement égale à la somme des capacités. Plus savamment les économistes diront que la somme algébrique est égale à zéro.

Pour la France, si l’on prend le dernier trimestre de l’année 2019, soit quelques mois avant l’explosion de la pandémie, la somme des capacités de financement en millions d’euros, (respectivement 1952 pour les entreprises, 17070 pour les ménages et 6070 pour le reste du monde) est bien égale à la somme des besoins de financement ( 2072 pour le secteur financier et 22951 pour les administrations publiques), soit 25023 millions d’euros.

La pandémie et sa gestion bouleverse tout. Ainsi, en considérant le second trimestre de l’année 2020, les entreprises passent d’une capacité de 1952 à un besoin de 27864. Pour les autres secteurs : nous passons d’un besoin de 2072 à seulement 724 pour les institutions financières ; de la même façon nous constatons pour les administrations publiques un fort accroissement des besoins de financement lesquels passent  de 22951 à  65787 ; pour les ménages  une capacité de financement qui bondit de 17070 à  68551 ; enfin, pour le reste du Monde,  une capacité de financement fortement croissante en passant de 6072 à  18731.

Globalement, les besoins totaux de financement passent de 25023 millions d’euros - juste avant la pandémie - à 94375 millions d’euros au cours du second trimestre de l’année 2020, c’est-à-dire celui correspondant à la période du confinement. Soit une multiplication par 4 entre le quatrième trimestre 2019 et le second trimestre 2020.

Resterait à examiner les conditions de réalisation de l’équilibre nouveau des capacités et des besoins pour  les divers groupes d’acteurs. A priori peu de conséquences pour les institutions financières qui conservent un solde financier d’un faible montant malgré l’explosion de la pandémie. Pour autant, cette faiblesse du solde cache un accroissement considérable  d’éléments d’actifs et de passifs aux bilans des institutions correspondantes. En effet, ces dernières  vont s’endetter dans des conditions paradisiaques auprès de la BCE qui octroie des crédits à taux négatifs (-1%). Ces dettes nouvelles  serviront pour partie à acheter des bons du Trésor, pour  une autre partie à octroyer des crédits aux entreprises dans le cadre du programme gouvernemental, enfin une dernière partie servira de matière première à la spéculation et aux jeux d’enchères des gestionnaires d’actifs lesquels appartiennent au  système financier.

Le programme gouvernemental étant garanti par l’Etat, les institutions financières sont en quelque sorte protégées et du côté du passif (BCE) et du côté de l’actif (Administrations publiques). Ajoutons qu’elles sont aussi protégées par les ménages qui, eux-mêmes, verront apparaître une certaine garantie de revenus laquelle va engendrer, épargne aidant, un abondement des comptes courants au passif des banques, ce qu’on appelle l’épargne des ménages due au confinement. Les comptes courants des entreprises, figurant aussi au passif des banques,  sont eux-mêmes protégés par les crédits décidés par le programme gouvernemental, d’où les réactions parfois étonnées de commentateurs concernant l’abondance de trésorerie de nombre d’entreprises dont l’activité est pourtant réduite.

Au total, les institutions financières (banques) sont protégées, les ménages sont protégés, les entreprises sont protégées. Reste 2 acteurs : le Reste du monde et les administrations publiques.

Le premier voit sa capacité de financement tripler  ( passage de 6070 à 18731) et se trouve à ce titre grand bénéficiaire de la politique gouvernementale. Cette capacité de financement est la contrepartie des exportations étrangères vers une  France qui continue de consommer alors que la production se rapetisse. Cela correspond, par conséquent, à un abondement des comptes du reste du monde, comptes qui ont pu se transformer sans doute marginalement en achats de bons du Trésor français.

Le second, les administrations publiques, voit son besoin de financement passer de 22951 à 65787, soit presqu’un triplement. Pour l’essentiel, ce besoin est couvert par les banques qui se refinancent immédiatement et de façon fort lucrative auprès de la BCE avec ses prêts à -1%.

Au total, c’est bien l’action de la BCE qui autorise la grande transformation patrimoniale de la totalité des acteurs du jeu économique.

La présentation très comptable qui vient d’être dessinée permet de bien comprendre la question de la dette, ici dette dite COVID. C’est bien l’émission de monnaie par la BCE qui permet l’engagement nouveau de l’Etat sur ses administrés, en particulier entreprises et ménages, lesquels vont vivre la dette comme un abondement très heureux sur les comptes bancaires des uns et des autres. Un abondement heureux qui pourra même se manifester au profit des étrangers (compte du Reste du monde). Bien sûr, les besoins de financement sont comblés à l’euro près par des avoirs nouveaux ( capacités de financement), couverture qui laisse pourtant apparaître la question de la confiance. Lorsque les soldes des comptes des divers agents sont relativement faibles , cette confiance est elle-même plus grande que lorsqu’ils sont comme dans le cas de la France multipliés par 4 entre le quatrième trimestre 2019 et le second trimestre 2020. A ce titre, on pourrait penser en termes très simplistes et se dire que si l’Etat (administrations publiques) entrait en défaut au regard de sa dette c’est tout l’édifice qui s’écroulerait, avec en particulier l’insolvabilité généralisée du système financier et ses conséquences sur l’épargne des ménages figurant au passif des banques. Ce scénario n’a guère de sens puisque la banque centrale est prêteuse en dernier ressort et qu’elle est à ce titre le seul acteur du jeu à ne jamais connaitre d’exigence de passif. Et c’est fort de cette capacité en dehors du commun qui fait que tous les autres acteurs du jeu peuvent être sécurisés : les craintes pour leurs propres passifs sont protégées sur simple décision de la Banque centrale et ce, pour des montants illimités. C’est cette spécificité qui fait de la banque centrale l’acteur principal qui « tient le tout » et, à ce titre, permet de gommer tous les risques d’illiquidité et d’insolvabilité. Le lecteur averti sait que les traités européens interdisent juridiquement l’image d’une banque centrale prêteuse en dernier ressort. Pour des raisons propres aux conditions de la naissance de l’euro, ce fait est acté et enseigné, mais il est déjà de fait non respecté et ce, avec le quasi-assentiment d’une Allemagne qui n’a plus le choix et se trouve obligée de respecter le droit commun des banques centrales. Le lecteur averti sait aussi que même La Cour Constitutionnelle allemande est aujourd’hui obligée d’avaler des couleuvres….

Reste à savoir quelle partie de la liquidité nouvelle reste enfermée dans la sphère financière et simplement spéculative et quelle partie nourrit l’économie réelle.  De ce point de vue, la BCE en tant qu’organe central du jeu des acteurs ménage à la fois, la finance et l’Etat, qui se doit lui-même de ménager les réalités économiques et sociales. La BCE, comme souvent indiqué dans le blog, « tient le tout » tout en n’étant qu’un acteur au service des autres. Les leviers de commande  d’une finance  au périmètre gigantesque doivent être scrupuleusement tenus et à ce titre il faut bloquer tout effondrement de la valeur des actifs, d’où des prêts aux banques qui sont de fait des subventions, des achats de titres privés, etc. Le service  à l’Etat doit lui-même être tout aussi scrupuleux (rachat massif de dette publique) à peine d’un effondrement de la capacité de ce dernier à se financer et des conséquences gigantesques sur les bilans des institutions financières et de leurs clients (les ménages). Ce jeu très complexe et très subtil est le principe explicatif de la répartition de l’extraordinaire liquidité entre son canal spéculatif et financier et son canal économie réelle.

La BCE est certes bien devenue une sorte de proto-Etat, un peu l’équivalent du Duché de Bourgogne au 15ième siècle, mais le suzerain , c’est- à-dire l’Etat , doit être ménagé car il est lui-même dans une situation de servitude volontaire qui pourrait être contestée par des citoyens devenus soudainement conscients d’ une situation devenue ubuesque. Pour le moment encore, on continuera de véhiculer la grande fable de l’indépendance des banques centrales et on continuera à masquer le fait que derrière le jeu complexe du proto-Etat, de son suzerain et de ses serviteurs, il y a une finance qui est l’ultime marionnettiste. L’irruption éventuelle d’une cryptomonnaie "banque centrale" pourra-t-elle demain redéfinir fondamentalement les règles du jeu et nous faire basculer dans un tout autre monde ? Affaire à suivre.

 

 

 

 

 

 

 

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10 mars 2021 3 10 /03 /mars /2021 14:51

La première guerre mondiale a mis fin à la loi d’airain de la monnaie par une innovation radicale :  le cours forcé des billets devait durablement autoriser des dépenses militaires   illimitées. D’une certaine façon, l’échec monétaire de la régence, avec son célèbre banquier écossais (1720), devait -2 siècles plus tard- se transformer en succès et jamais, l’effort militaire de la période 1914/1918 n’eût été pensable sans une réforme monétaire de grande ampleur : celle d’un Etat battant directement monnaie.

Près d’un siècle plus tard, la nouvelle monnaie européenne, l’euro, devait consacrer un retour à la loi d’airain. Certes, de façon infiniment moins tragique, les pays du sud ne peuvent payer leurs importations allemandes en imprimant des billets. Toute une série de règles concernant l’Eurosystème fait qu’aujourd’hui la dette devient un enjeu central alors qu’entre 1914 et 1918 ce même enjeu était totalement dépourvu de sens. C’est ainsi que la crise financière de 2008 devait réanimer de façon magistrale la loi d’airain. Parce que les grecs doivent payer les BMW achetées en Allemagne, ils ne peuvent, comme demandé, obtenir des facilités à la BCE (on coupe la distribution de billets). Ils ne peuvent non plus demander au président français de l’époque, François Hollande, l’accès à la caverne d’Alibaba des très nombreux billets imprimés en France[1].  Ils doivent ainsi rééquilibrer leurs comptes par des réformes structurelles, réformes qui vont globalement essaimer et faire entrer la zone dans des politiques budgétaires restrictives, politiques dont le prix sera une croissance beaucoup plus faible que dans le reste du monde. Avec cette réflexion incidente : pouvait-on imaginer en France une politique budgétaire restrictive entre 1914 et 1918 ? Quelle aurait été l’issue de la guerre ?

Pandémie et loi d’airain de la monnaie.

Pour autant la pandémie semble à nouveau questionner la loi d’airain de la monnaie et tous les pays de la zone vont se mettre à dépenser sans compter, un peu comme au mauvais temps de la première guerre mondiale. Un questionnement qui se matérialise par les très nombreux débats concernant la partie COVID de la dette. Pourquoi ne pas renouer avec quelque chose comme l’équivalant du cours forcé des billets de 1914 ?

On sait que c’est impossible dans le cadre des règles actuelles et on va même jusqu’à dire que le droit s’oppose à toute tentative d’annulation de la dette. Il faut pourtant continuer à gérer la pandémie qu’elle qu’en soit le prix, comme il fallait, il y a plus d’un siècle, produire armes et munitions qu’elles qu’en soient le prix. Certes la loi d’airain de la monnaie unique peut se faire fort discrète tant que les taux nuls autorisent - de fait sinon en droit - la monétisation des dépenses. Il semble toutefois que le doute s’installe sur un retour à l’inflation, doute résultant aussi des plans gigantesques de relance qui se matérialisent dans nombre de régions du monde. Déjà les tensions se manifestent sur toutes les matières premières, le fret, l’énergie, et bien sûr les taux, en particulier celui de la dette publique américaine (1,5% sur la dette à dix ans.

Le scénario catastrophe pourrait ainsi réapparaitre : hausse des taux sur les dettes publiques les plus fragiles, spread de plus en plus lourd sur les pays du sud de la zone euro, effondrement parallèle des cours résultant de la fin de la course au rendement sur les seules actions, effondrement des cours sur les obligations, effondrements bancaires, etc… Avec, au final, désagrégation de la zone et fin de l’euro. Face à ce qui serait aussi une catastrophe pour les excédents allemands, et donc l’ensemble de l’économie du pays, il semble évident qu’une nouvelle thérapie, au moins provisoire, devra se mettre en place avec le consentement de l’Allemagne.  Quel en sera le scénario ?

L’irréalisme d’un abandon de la dette COVID

Evacuons tout de suite l’idée d’un abandon négocié et unanime de la dette COVID. Certes, elle est techniquement aisée, ne lèse aucun créancier et ne soulève que des questions juridiques jalousement mises en avant par les allemands, bénéficiaires des règles du jeu de l’euro. Encore une fois, une banque centrale n’est pas une banque ordinaire et ne connait pas d’exigence de passif. Toutefois, le renoncement à la dette COVID déclencherait une spéculation sur toutes les dettes publiques et privées et ne pourrait que précipiter l’effondrement généralisé. Au-delà de la difficile distinction entre dette COVID et dette non COVID, il est clair que nombre de débiteurs pourraient en effet s’appuyer sur une telle décision pour envisager leur propre défaut. Fait élémentaire  semble-t-il oublié par les partisans de l’abandon de la dette COVID.

Au-delà de cette hypothèse d’abandon négocié complètement irréaliste, la FED empêchera une montée trop élevée des taux par achat massif de dette américaine. Il sera toutefois difficile de ne pas suivre le niveau de l’inflation tant la demande de capitaux du Trésor américain est importante, probablement plusieurs milliers de milliards de dollars en 2021 si l’on ajoute les nécessités du roulement de la dette. Il est donc évident que les taux européens vont suivre durablement, les banques européennes devant arbitrer entre la dette américaine plus rémunératrice et les dettes européennes. Les pays du sud devront eux-mêmes offrir un taux plus élevé à peine de voir fuir les classiques SVT (banques spécialistes en valeurs du Trésor) et d’entrer dans une situation de défaut.

Une nouvelle thérapie à proposer à l’Allemagne

Ici, la seule solution est l’abandon définitif des règles de proportionnalité qui animent la BCE[2] : il lui faudra acheter beaucoup de dettes du sud et peu de dettes du nord si l’on veut contrôler les spreads. Pour mieux comprendre encore, imaginons cette idée cocasse de voir une BCE imprimant des billets directement remis aux Trésors du sud en proie au risque de défaut. De quoi nous ramener à cette fin de loi d’airain lorsque la banque de France alimentait directement le Trésor français entre 1914 et 1918. De quoi nous ramener à la comparaison entre pandémie actuelle et première guerre mondiale, avec pour exigence fondamentale de mettre fin à loi d’airain de la monnaie.

Bien sûr, ces achats massifs à un moment où l’Allemagne est déjà lancée dans sa problématique constitutionnelle du « frein à la dette[3] » restent  à priori impensables au moment où ces lignes sont écrites.

Sans hausse des taux, les programmes 2021 d’émission de dette par les différentes agences de la zone sont évalués à environ 1250 milliards d’euros dont 760 de déficits. Face à cette émission, les programmes d’achats cumulés par la BCE se montent à 90 milliards mensuels, soit un montant globalement satisfaisant face aux énormes besoins des Trésors publics. A priori, sans retour durable de l’inflation et sans forte hausse des taux, l’année 2021 pourrait ne pas poser de trop gros problèmes, même s’il est vrai qu’une partie des achats de la BCE doit s’opérer au bénéfice du secteur privé.

Il existe toutefois un réel problème de répartition de la contribution de la BCE dans les achats de dette publique. Sans doute, la règle de proportionnalité est-elle mise de côté depuis l’an dernier, toutefois un calcul rapide permet de voir l’énorme difficulté à venir. Expliquons-nous. Si la proportionnalité était approximativement respectée, lorsque la BCE rachète de la dette allemande pour un montant de 100, elle ne pourrait racheter de la dette italienne que proportionnellement au poids de l’Italie par rapport à celui d l’Allemagne, poids exprimé en PIB. Sachant que l’Italie représente 16,8 points de PIB de la zone et l’Allemagne 27 points, cela signifie que le respect de la règle imposerait une limite de rachat calculé comme suit : 100X16,8/27= 62,2 milliards. En 2020, il a déjà fallu ne pas respecter la règle. Mais on constate qu’en 2021 les choses deviennent gravissimes puisque les programmes d’émission brute de dette sont de 350 milliards d’euros pour l’Italie et de seulement 225 milliards pour l’Allemagne. Si la BCE devait être généreuse avec l’Allemagne en rachetant la totalité des 225 milliards émis, elle ne pourrait racheter que 225 X 16,8/27= 140 milliards de dette italienne, soit moins de la moitié de l’émission brute. Comme il est évident que la BCE ne rachètera qu’une partie modeste de la dette allemande, il lui faudrait ne racheter qu’une très faible partie de l’émission italienne, alors même que la tension se manifestera sur le spread[4].

Le patient allemand deviendra réaliste

Bien évidemment, la règle ne sera pas respectée mais va alors exister un vrai problème de limite et tout se passera comme s’il existait des transferts gigantesques vers l’Italie, pays qui pourra, du point de vue allemand, continuer à payer des marchandises allemandes avec des billets que l’on imprime. Cet énorme problème est appelé à s’aggraver puisque, d’une part, le risque de spread de taux obligera à surdimensionner l’aide à l’Italie et que, d’autre part, les nécessités du roulement vont accroître quantitativement les besoins (les dettes croissantes arriveront à échéance et les émissions brutes s’accroitront mécaniquement).

Il y a donc, théoriquement, encore moyen de prolonger l’euro. Il y a encore théoriquement moyen de rembourser les dettes. Mais tout cela au prix d’une thérapeutique de plus en plus acrobatique. C’est toutefois bien évidemment ce choix qui se fait et se fera au cours de la période post-épidémique. L’Allemagne peut refuser, mais, devant le cataclysme, elle saura adopter une attitude raisonnable. L’achat de marchandises allemandes par les pays du sud se fera par « impression de billets » et nul ne viendra en contester le principe. Les économistes eux-mêmes resteront silencieux et la BCE poursuivra sa politique de communication.

 


[1] Plus de 25% des billets émis pour la totalité de la zone.

[2] Voir notre article de novembre 2019 dans lequel cette règle est explicitée.: http://www.lacrisedesannees2010.com/2019/11/la-bce-peut-elle-se-transformer-en-proto-eta.htmltt

[3] Ce frein qui limite l’endettement à 0,35% du PIB ne peut être levé que par une majorité de 2/3 dans les deux chambres du parlement allemand.

[4] Les chiffres que l’on vient d’énoncer sont à rapprocher avec ceux du NGEN (Next Generation of Europeen Union. Il est clair que si l’Italie est favorisée dans le plan européen (207 milliards) les premières sommes déboursées ne seront guère disponibles avant la fin de l’année, ce qui pose le problème du court terme pour la dette italienne.

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4 février 2021 4 04 /02 /février /2021 16:53

Le débat sur le remboursement de la gigantesque dette que l’on construit au quotidien fait rage dans tous les médias et il est inutile ici de le rappeler. On peut simplement s’étonner des nombreux changements de convictions probablement dus à l’extrême bienveillance des banques centrales qui fournissent gratuitement une liquidité illimitée.

Nous voudrions ici voir dans quelle mesure une situation aussi exceptionnelle fut historiquement gérée et prendre le cas de la Banque de France qui, durant la première guerre mondiale, a dû elle aussi se montrer bienveillante face à la construction d’une gigantesque dette…. non pas sanitaire mais de   guerre.

Dès 1915, les recettes publiques ne représentent plus qu’environ 15% du coût annuel de la guerre. Certes, il est fait appel au patriotisme et à la mobilisation des épargnants, mais face à l’ampleur des besoins, la banque centrale est sollicitée. L’avant-guerre était l’époque de l’étalon or, et donc le bilan de la banque de France faisait apparaitre à l’actif de copieuses réserves d’or sur lesquelles s’appuyait la masse des billets en circulation figurant au passif. Le travail quotidien était celui d’assurer la fluidité d’un marché interbancaire lui-même limité et donc les crédits à l’économie, essentiellement de l’escompte, ne représentaient que peu de choses tandis que le crédit au Trésor était lui -même très faible. Le total du bilan s’élevait ainsi à 7 milliards de francs répartis en 4 milliards pour les réserves d’or et de devises et 3 milliards pour l’ensemble des crédits.

Avec la guerre les choses changent et l’imposition du cours forcé des billets vient interdire tout risque de rétrécissement du bilan : on ne peut plus convertir les billets en pièces d’or et donc il n’y a pas risque de réduction du passif (destruction de billets qui ne seraient plus en circulation) correspondant à une réduction d’actif (remise de pièces d’or aux particuliers inquiets face à la monnaie fiduciaire). Le début de la guerre voit ainsi un bilan ne représentant que 15 à 16% du PIB estimé de l’époque, un bilan qui va gonfler en abondant régulièrement le compte du Trésor, lui-même chargé de payer les énormes charges de guerre. A l’actif, les réserves métalliques ne bougent que très peu, par contre les créances diverses sur le Trésor deviennent colossales. Au passif, les billets en circulation devenus inconvertibles deviennent la contrepartie des créances sur le Trésor.

A la fin de la guerre le bilan de la Banque de France est devenu gigantesque et représente désormais environ 40% d’un PIB lui-même amoindri. Ce bilan passe ainsi d’environ 7 milliards de francs à 35 milliards, soit une multiplication par 5, bien évidemment dans un contexte inflationniste. Tout aussi évidemment, on est tenté de rapprocher ce gonflement de bilan avec celui de la BCE dont on sait qu’il a lui aussi été multiplié par 5, non pas depuis la crise sanitaire mais depuis celle de la crise de l’euro.

La suite de l’histoire de la Banque de France est bien connue. Le déficit budgétaire se poursuit malgré la fin de la guerre et se double d’un déficit du compte courant. Parce que le régime d’étalon-or est suspendu dès le début de la guerre avec la décision gouvernementale du cours forcé, l’équilibre du compte extérieur plus ou moins assuré par les « points d’or d’entrée et de sortie[1] », laisse la place à  un  déséquilibre et à  la chute du cours d’un franc désormais inconvertible. La spéculation sur le cours du Franc est elle-même alimentée par le roulement rapide et inquiétant de la dette et donc les déficits jumeaux s’auto-entretiennent. Il faudra attendre le retour de Poincaré en 1926 pour retrouver progressivement l’équilibre sur une base assainie, assainissement finalement obtenu sur la base d’une dévaluation massive, le fameux « Franc à 4 sous » permettant un retour à l’étalon-or.  La dette publique détenue par la Banque de France représentait environ 65% du bilan et environ 560% du stock d’or de 1918. Avec la dévaluation massive et la revalorisation d’un stock d’or qui lui n’a que peu bougé, cette même dette va se faire proportionnellement plus petite et ne plus représenter qu’environ 100% du stock d’or.

La comparaison avec la situation présente de la BCE suppose l’apport de précisions complémentaires.

Le gonflement des bilans durant la première guerre mondiale et au cours de la présente période n’est pas de même nature. Bien sûr, dans les deux cas il s’agit de dépense publique, mais dans le premier cas il correspond largement à des paiements de marchandises non échangeables sur les marchés  (matériels militaires), tandis que, dans le second cas, il s’agit toujours de sommes dont la destinée finale est le marché ( allocations de chômage, subvention aux entreprises, etc.). Dans le premier cas, il y a distribution de revenus dans un contexte de production de marchandises échangeables qui se réduit. Dans le second, la distribution de revenu a pour objet de ne pas entrainer ou de ne pas freiner la demande globale. Cela signifie par conséquent que la monétisation de guerre est porteuse d’inflation, ce qui n’est pas le cas de la monétisation actuelle.

Mais les choses sont plus complexes. Dans le cas de la guerre, la banque centrale ne fait que respecter les injonctions de l’Etat : on exige des moyens pour faire face à la guerre et la banque obéit ; on décide l’inconvertibilité et la banque exécute ; on dévalue en rétablissant l’étalon-or et en revalorisant le stock d’or, et là encore la banque exécute. Dans le second cas, la BCE qui - à priori- n’est plus que banque fédérale semble intervenir en simple appui d’un Etat en difficulté : les moyens qu’il faut rassembler pour contenir les effets de la pandémie ne sont pas exigés de la BCE mais de l’habileté d’une quarantaine de hauts fonctionnaires travaillant dans l’agence France Trésor. Les moyens rassemblés passent par le marché et non par l’autorité. C’est ce qu’on appelle le marché de la dette publique et que, dans, le blog nous appelons le « curieux marché ». Ces moyens pour lutter contre la pandémie seraient impossibles à rassembler sans l’aide de la BCE. De fait, et cela est vrai pour tous les pays de la zone, sans la monétisation massive de la BCE qui se charge d’approfondir un marché de la dette publique devenu trop étroit face aux exigences de la pandémie, les fonctionnaires de l’AFT seraient bien incapables de ravitailler le Trésor en lançant des adjudications croissantes et massives sur les BTF et OAT. De la même façon que le Trésor des années 1914/1918 n’avait rien à attendre des épargnants qui se presseraient dans les bureaux de poste pour acheter des bons de la défense nationale, le Trésor d’aujourd’hui sait que les 40 fonctionnaires de l’AFP seraient bien incapables de remplir leur mission sans la BCE. Pour autant la BCE semble agir en toute autonomie et ne prend pas ses ordres à la porte de l’Etat français et des Etats de l’UE.

Dans les 2 cas, le recours au marché est impensable, mais aujourd’hui la fiction du marché est largement entretenue en continuant d’affirmer haut et fort que la BCE est indépendante. Dans les 2 cas, il y a monétisation massive, mais dans le premier cas personne ne conteste qu’il s’agit d’un fait d’autorité, alors que, dans le second, on entretient la fiction du marché.

S’agissant maintenant du remboursement de la dette publique, ce dernier se déroule dans le premier cas, par le recours à l’inflation sur tous les biens échangeables, et surtout par la manipulation du bilan de la Banque centrale résultant de la dévaluation. Bien sûr, les épargnants sont lésés mais au-delà c’est l’ensemble de la population qui va payer. Il est très difficile d’établir la contribution des divers groupes sociaux à ce paiement. Dans le cas de la présente pandémie, l’inflation sur les biens échangeables et reproductibles ne peut exister et il n’est pas ici nécessaire d’en rappeler les causes bien connues. Par contre une inflation des actifs existe et empêche encore que la dette soit payée. Mieux, des acteurs - par une modification de la structure de leur patrimoine - peuvent gagner au jeu de la dette : moins d’épargne classique s’appuyant sur des titres publics et davantage d’épargne reposant de façon ultime sur la vague de monétisation engendrée par la BCE. C’est le cas de la sphère spéculative et en particulier ce qu’on appelle la finance alternative.

Le positionnement de la BCE n’a plus à voir avec celui de la Banque de France à l’époque de la guerre. Certes, elle aide les Etats non pas en raison d’un décret mais en raison de son propre intérêt : une panique sur les taux serait catastrophique pour l’ensemble du système bancaire et d’une partie de la finance spéculative. Précisément, elle monétise non pas pour aider les Etats mais parce qu’il faut bien veiller à leur survie pour assurer le maintien du système financier. De fait, elle acquiert une puissance politique majeure souvent soulignée dans le blog. Elle devient le lieu d’expression d’un rapport de forces majeur dont elle tire le plus grand profit.

Dettes de guerre et dette COVID n’ont pas, non plus, les mêmes conséquences concernant les comptes courants. La dette de guerre débouche sur un déséquilibre du compte courant et une spéculation à la baisse d’un franc qui n’est plus adossé sur le métal. Le déséquilibre budgétaire qui se maintient au-delà de 1928 nourrit la spéculation sur le marché des changes et empêche la fermeture du circuit du Trésor : les dépenses publiques excédentaires ne reviennent que partiellement dans l’achat de bons du Trésor et une partie s’échappe sous forme d’offre de franc excédentaire sur le marché des changes et donc de baisse de son cours. L’Etat et son fidèle serviteur qu’est la Banque de France se trouvent contestés par les bénéficiaires de la monétisation.

Dans le cas présent, la toute puissance de la BCE vis-à-vis des Etats endettés connait pourtant une limite qu’il faut expliquer. La monétisation autorise l’élargissement du déséquilibre du compte courant des pays les plus fragiles. C’est le cas de la France avec des déficits jumeaux : celui de l’Etat et celui du pays tout entier qui achète plus qu’il ne vend. Le déséquilibre croissant est à priori gratuit puisqu’il ne donne pas lieu comme après 1918 à une spéculation sur un marché des changes que la Banque de France n’a plus à surveiller. Pour autant, ce déséquilibre s’enregistre sur le bilan de la BCE sous la forme du compte TARGET 2. Dans un système d’étalon-or l’équivalent d’un compte TARGET 2 est toujours équilibré, et s’il existe un déséquilibre il y a simple sortie, d’abord de devises, ensuite d’or au profit du créancier c’est-à-dire au profit du pays dont les exportations sont supérieures aux importations. Concrètement, les exportateurs sont toujours payés. Ce n’est plus le cas avec TARGET 2 et aujourd’hui l’Allemagne exportatrice nette peut se faire du souci : tout se passe comme si les importateurs grecs, français, etc. payaient l’Allemagne à partir d’euros créés par la BCE. Les importateurs, aujourd’hui, se contentent de payer en euros déversés par la banque centrale alors que naguère il fallait payer en or. Nous sommes aujourd’hui dans le paysage d’une France en déséquilibre de compte courant qui, plongeons-nous en 1918, verrait ses créanciers en marchandises accepter sans limite, le paiement desdites marchandises en Francs. Il aurait suffi d’imprimer des billets pour, sans limite, et financer la dette publique et financer le déséquilibre extérieur. Un rêve qui ne pouvait bien sûr se réaliser. C’est pourtant aujourd’hui le cas et on comprend bien que si, pandémie oblige, une dévaluation interne s’avère impossible, nous retrouverons la question d’une sortie possible de l’euro. Parce qu’après la guerre on ne pouvait pas ajouter au désastre humain celui d’une dévaluation interne massive Il a fallu créer le « franc à 4 sous en 1928 ». On peut aujourd’hui se demander si au désastre de la pandémie on peut encore ajouter des réformes dites structurelles qui, toutes, vont dans le sens de la dévaluation interne. Et donc si on ne peut - politiquement- faire l’addition de la pandémie et des réformes structurelles, alors il faudra bien, comme en 1928, inventer un « euro à 4 sous » …le lecteur aura bien compris qu’il s’agit du franc….

 


[1] Désignée habituellement par l’expression de « golden points » chez les économistes, ce point mérite explication. En régime d’étalon-or, les taux de change ne peuvent réellement fluctuer puisque, chaque monnaie étant convertible, le taux se définit sur un rapport de poids de métal précieux. Prenons un exemple : si une livre sterling se convertit en 1 gramme de métal et si un Franc se convertit en 2 grammes de métal, le taux de change est de 2 livres pour un franc. Comme la convertibilité est légalement assurée, toute modification de prix de la monnaie sur le marché des changes ne peut être de grande ampleur. Ainsi, si le cours du Franc venait à dépasser les 2livres, il deviendrait intéressant pour l’acheteur de francs, par exemple un acheteur britannique de bijoux français, de payer directement en métal précieux et de ne plus recourir au marché des changes. Sur le marché des changes les fluctuations sont donc bloquées par ce qu’on appelait les « golden-points ».

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14 janvier 2021 4 14 /01 /janvier /2021 10:32

Ce texte très bien documenté  d'Olivier Passet (XERFY) donne le vertige. Il n'est toutefois pas sûr que le contribuable sera véritablement sollicité. Bonne lecture. 

Combien de temps encore l’État français pourrait-il, quoi qu’il en coute, maintenir à flot les revenus de la sphère privée, et limiter la casse de l’économie réelle ? La résolution de la crise trouve aujourd’hui son issue dans la magie d’un argent gratuit qui permet à la France et à la plupart des États développés d’allonger des chèques sans les financer autrement que par la dette. Si l’on devait faire un bilan très sommaire de la facture de la crise au stade où nous en sommes, ce sont 400 milliards qui ont été injectés dans l’économie, entre les pertes de recettes fiscales issues de la crise, les trois plans d’urgence de 2020 et le plan de relance de 2021-2022. 400 milliards convertis en dette supplémentaire et dont la collectivité est redevable à terme. Il y a là une ombre inquiétante qui plane sur l’activité future. Car l’ardoise n’est pas effacée, elle est juste différée dans le temps, et les points de croissance sauvés à court terme risquent fort de se transformer en homéopathie de la rigueur qui grève les perspectives des 20 années à venir.


Et le quoiqu’il en coûte amène inévitablement la question du « à qui il en coûte ». Sur quel contribuable pèsera la charge et à quel rythme s’opèrera le remboursement ? Nous pouvons à ce stade esquisser deux scénarios : le premier est simplement le non remboursement de fait. Les échéances de la dette seront remboursées par de nouvelles émissions. C’est déjà ce qui s’opère en réalité. L’Etat n’a cessé d’augmenter ses émissions depuis 10 ans, couvrant bien au-delà de ses besoins de financement et allouant les deux tiers de ses émissions au remboursement de la dette passée arrivant à échéance et au paiement des intérêts. Il émettra 260 milliards en 2020 et 2021, à des taux toujours plus faibles. Et ce roulement de la dette peut encore durer plusieurs années, tant que la BCE garantit sans limite la liquidité sur les marchés des titres d’État. On ne voit certes pas aujourd’hui comment la BCE pourrait prendre le risque d’infléchir sa politique, sans créer un cataclysme financier qui mettrait en péril l’intégrité des banques dont elle a la supervision. Mais ce faisant, la France s’installerait sur un nouveau palier d’endettement, de 120% qui la rendrait très vulnérable en cas de moindre modification des conditions de financement. Miser sur une absence de normalisation sur un horizon de 20 ans est un pari plus que risqué.  La France devient aussi de la sorte un énorme glouton sur le marché des émissions. Alors qu’elle pèse pour 21% du PIB de la zone euro, ses émissions représentent aujourd’hui 35% des émissions brutes de la zone. Et compte tenu du niveau atteint par sa dette négociable (2000 milliards fin novembre), et de sa durée moyenne (8 ans et 78 jours au dernier comptage de l’agence France trésor), il lui faudra à terme émettre chaque année 240 milliards rien que pour amortir la dette négociable arrivant à échéance, contre 130 aujourd’hui… autrement dit la France devra en mesure de lever structurellement 100 à 120 milliards de plus par rapport aux levées déjà record de 2020 et 2021.  Pas certain qu’elle bénéficie alors de la même facilité qu’aujourd’hui et d’une souplesse intacte de la BCE sur un horizon aussi long. Pas certain surtout que l’Allemagne, pays créancier de la zone euro tolère dans la durée une situation d’hyper-endettement hexagonal qui piège la BCE dans la permissivité des taux zéro et lèse ses épargnants.


Le scénario le plus probable vers lequel on s’achemine ainsi est celui esquissé par le gouvernement en juin. Celui du cantonnement de la dette Covid…. Cette dette serait distinguée du reste de la dette héritée du passé et serait amortie en douceur dans la durée. A l’époque le gouvernement évoquait un amortissement à horizon 2042…mais sur la base d’une facture alors estimée  de 160 milliards.  Et sans impôt supplémentaire, en pérennisant la CRDS (la contribution pour le remboursement de la dette sociale, qui rapporte environ 7 milliards par an) au-delà de 2025, date à laquelle devait s’éteindre cette taxe en même temps que la dette sociale… Autant dire une super-homéopathie quasi-indolore.  Mais c’est un conte de fée auquel on ne croît plus. Car c’est maintenant 400 milliards que le gouvernement doit amortir à horizon de 20 ans, il lui faudra a minima alourdir structurellement la barque fiscale d’un point de PIB ou sacrifier autant en dépenses. Et la CDRDS, déjà convoitée pour faciliter l’équation des retraites ne suffira pas.


Encore n’ai-je évoqué ici que la partie émergée de l’iceberg. La dette publique qui fera l’objet de toutes les attentions est de tous les psychodrames. Si j’ajoute au quoi qu’il en coute toutes les avances remboursables dont ont bénéficié les entreprises entre les impôts, les cotisations différés, les prêts garantis ou non, soit au minimum  150 à 200 milliards remboursables à horizon de 1 à 6 ans, ont prend toute la mesure de la facture différée de plusieurs dizaines de milliards par an pour les entreprises. Toute la mesure aussi du risque de défaillance massive qui pèse sur les prochaines années, et d’évaporation de l’assiette fiscale.  Et l’on comprend aussi que le compteur de la facture des 400 milliards que j’ai évoquée pour l’État continue à tourner… Ajoutons à cela tous les nouveaux besoins révélés par la crise, en matière de santé, de sécurité, d’éducation… Et l’on saisit que derrière ses ellipses, la formule  « quoiqu’il en coûte », est une facture qui s’adresse d’abord au contribuable.

 

 

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